Vingt huit rapports (puis 27 au final puisque celui relatif au schéma des carrières a été retiré) à l’ordre du jour du conseil municipal de ce mercredi 2 juillet à Saint-André qui s’est tenu, comme d’habitude, au parc du Colosse. Nous y reviendrons ultérieurement, précisément sur un dossier important, relatif au PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui, une fois qu’il sera définitivement validé d’ici à décembre prochain, conditionnera l’aménagement du territoire de la commune pour les années à venir. Un PLU qui a pour objectif de préparer le Saint-André de 2035 avec ses 60 000 habitants d’ici là. Nous en reparlerons prochainement.


Pour ce soir, nous nous arrêterons sur l’affaire numéro 5 relatif au « non maintien » de deux adjoints dans leurs fonctions. Il s’agit de Jean Thierry Assicanon (11ème adjoint au maire, délégué au handicap, à la gestion urbaine de proximité de quartier, aux actions sociales en faveur des personnes en difficulté) et de Primilla Cévamy (3ème adjointe, déléguée à l’animation et au tourisme, à la politique de la ville et à l’animation du dispositif des conseils de quartier). Le maire a décidé de révoquer les deux adjoints de la majorité municipale de leurs fonctions électives et de retirer leurs délégations. Ils avaient été élus sur la liste conduite en 2020 par Joé Bédier lors des élections municipales.
En tout début d’après-midi, lors d’une conférence de presse tenue dans son bureau à la mairie, le maire Joé Bédier a expliqué que cette révocation « n’était pas liée à un désaccord politique, ni à une divergence sur les idées. Il y a un impératif de cohérence et de responsabilités. Force est de constater qu’il existe aujourd’hui une rupture manifeste de confiance entre moi et ces deux élus dont les absences sont répétées, ils n’assistent plus aux réunions de travail, se désengagent de leurs missions et ils ont une attitude inacceptable par rapport à l’action municipale. Quand on n’est plus en phase avec la majorité, quand on critique, il faut arrêter », a tranché le maire.
Joé Bédier a par ailleurs précisé que sa 3ème adjointe a témoigné contre lui et en faveur d’une ancienne DGA de la mairie devant le tribunal lors d’un procès qui s’est déroulé il y a environ 3 mois. La DGA avait été recrutée par l’ancienne majorité. Elle s’est vu retirer sa qualification de DGA, « d’où le procès devant le tribunal ». Procès que l’actuel maire déclare « avoir gagné », même si sa 3ème adjointe avait témoigné contre lui.
Concernant Jean Thierry Assicanon, le maire a précisé « avoir tout fait pour lui; A sa demande, j’ai mis en place le pôle handicap… Mais il n’était jamais satisfait. Il en avait contre les membres du cabinet. Il estimait qu’on ne faisait pas assez pour lui… ». Des raisons qui ont motivé à Joé Bédier à « mettre un terme » avec ces deux élus.
Avant de passer au vote par le conseil municipal, les deux adjoints ont demandé à intervenir. C’est Primilla Cévamy qui a pris la parole, en premier. Ecoutez son réquisitoire contre le maire. Notre journaliste Yves Mont-Rouge était présent au conseil municipal :
Primilla Cévamy : “ le maire n’a jamais été un homme de dialogue, la seule voix qui compte, c’est la sienne”
Un discours empreint d’une certaine émotion car Primilla Cévamy fait partie des tous premiers soutiens de l’actuel maire. Elle a été aux côtés de Joé Bédier quand ce dernier était encore dans l’opposition. Son militantisme actif sur le terrain a sans doute incontestablement contribué à l’élection de Joé Bédier en 2020 à la mairie de Saint-André.

Dans un communiqué qu’elle a fait parvenir à la presse après le conseil municipal, Primilla Cévamy a dénoncé « une décision brutale, qui vient sanctionner non pas une faute, mais un choix de conscience.
Il m’est reproché d’avoir exprimé mon soutien à une agente de la collectivité que
j’estimais traitée de manière injuste. Ce soutien, je l’assume pleinement. Car rester
silencieuse face à une injustice aurait été une forme de trahison de mes engagements.
Depuis 2020, j’ai exercé mes responsabilités avec sincérité et dévouement, notamment dans les domaines de la Politique de la Ville, de l’événementiel et de l’animation politique. J’ai mis en place des actions fortes, au plus près des habitants, avec un engagement tout particulier pour la défense des droits des femmes. Ce soutien que j’ai exprimé à cette agente s’inscrit dans cette continuité : celle de toujours rester fidèle à mes convictions, y compris quand cela dérange.
Mon éviction révèle également un profond malaise dans le fonctionnement de la majorité municipale. Le maire n’a jamais été un homme de dialogue. Les réunions du
groupe majoritaire ressemblaient souvent à des monologues où une seule voix comptait : la sienne. Les remontées du terrain, les alertes sur les services, les difficultés des habitants comme des agents, restaient lettres mortes. Il n’y avait jamais de suite concrète.
Pendant près d’un an, j’ai alerté sur des agents à qui l’on confiait de nouvelles
responsabilités, sans que leur rémunération ne soit réévaluée. On m’a répondu que
la mairie n’en avait pas les moyens. Et dans le même temps, nous votions des frais
pour permettre à certains élus de repartir une seconde fois au Congrès des maires.
C’est ça, aussi, la réalité de cette mandature. Le maire passe son temps à se victimiser. C’est toujours la faute des autres : les élus, l’opposition, les agents, jamais lui. Il se vante d’être honnête, mais l’honnêteté ne se proclame pas. Elle se prouve. Et on ne traite pas les gens de cette façon quand on se dit porteur de valeurs. Je tiens à remercier chaleureusement tous les agents et collaborateurs de la commune. Vous avez été mes alliés du quotidien. Grâce à vous, de belles choses ont été rendues possibles. Votre engagement et votre conscience professionnelle méritent le respect, et non le mépris.
Malgré cette révocation, je pars la tête haute. Je n’ai ni trahi ma parole, ni renié mes
engagements. Je reste persuadée qu’une autre façon de faire de la politique est possible. Une politique plus juste, plus humaine, plus transparente, où l’on écoute réellement, où l’on respecte les engagements pris devant la population.
Je continuerai à parler, à agir, à défendre ce que je crois juste. Parce que mon
engagement n’a jamais été une stratégie. Il est personnel, sincère, enraciné dans ma
propre histoire. Je ne suis pas une politicienne. Je suis une citoyenne engagée ».
Il n’y a pas de sentiment en politique. Et Joé Bédier n’est pas le premier maire de France et de Navarre à révoquer un adjoint ou une adjointe. Les exemples ne manquent pas à la Réunion. Son prédécesseur l’avait également fait. D’autres maires de la Réunion (à Saint-Benoit, aux Avirons, à l’Etang-Salé…) l’ont fait avant lui. Même si ces décisions sont parfois discutables, les maires et leur majorité restent maîtres de leurs choix.
Assicanon à Bédier : « à ou aussi ou siège pas à la Cirest, ou gagne 1 400€ par mois et ou râle, donc il faudra que Selly i vire à ou ! »
Jean Thierry Assicanon a lui aussi dit, à sa façon et avec ses mots, ce qu’il avait sur le cœur en ciblant avant tout le cabinet du maire et ces DGA dont certains ou certaines « n’habitent même pas à Saint-André ».

Il n’a pas apprécié que Joé Bédier dise qu’il est « un râleur ». Aussi, devant le conseil municipal, ce mercredi soir, il a tourné le maire en dérision. « Quand mi râle, c’est pas pou moin mais pou les administrés de mon quartier. Ou l’a jamais donne à moin les moyens de travailler sur le terrain pour la population. C’est out cabinet que l’a fait Sciences-Pô qui commande à ou. Ou l’a dit que mi travaille pas et que mi râle, c’est pour ça que ou vire à moins. Mais ou, à la Cirest, ou siège pas, ou lé payé 1 400 € par mois et ou râle tout le temps. Donc, il faudra que Selly i vire à ou aussi, si mi suive out logique ? ». Ecoutez Jean Thierry Assicanon :
Inutile de dire que les élus de l’opposition menés par Jean-Marie Virapoullé ont bu du petit lait. S’en est suivi un cafouillage après les interventions des deux adjoints quant au mode opératoire à adopter pour que le conseil municipal puisse voter leur révocation. Jean Thierry Assicanon a souhaité un vote à bulletin secret. Le maire s’appuyant sur la réglementation en vigueur a refusé. Jean-Marie Virapoullé a pris la parole pour demander ce vote à bulletin secret. Ce qui est possible si un tiers du conseil y est favorable. Ecoutez Jean-Marie Virapoullé, conseiller municipal de l’opposition :
« Qui sont pour un vote à bulletin secret ? » La question a été posée par le maire. Les 10 élus de l’opposition ont levé le doigt ainsi qu’Elodie Praud et Marie Larivière, deux élues de la majorité, soit 12 élus au total, donc un tiers du conseil. Au moment du comptage, Marie Larivière ne savait plus trop où elle habite.

En fait, Elodie Praud et Marie Larivière sont des amies de Primilla Cévamy. Elles ne sont pas pour autant politiquement déloyales vis-à-vis du maire mais elles sont amicalement très liées à Primilla Cévamy, d’où l’hésitation de Marie Larivière qui, finalement, a voté avec la majorité. Résultat : 10 élus de l’opposition et une élue seulement de la majorité, à savoir Elodie Praud, se sont prononcés pour le vote à bulletin secret. Le tiers n’était plus atteint.


Le conseil municipal a voté à main levée la révocation et le retrait de leurs délégations à Primilla Cévamy et à Jean Thierry Assicanon. Ces derniers ont été remplacés respectivement par Sabrina Benoit et Michel Mazeau, « deux élus qui travaillent beaucoup », a dit le maire. Tous deux ont été élus par 25 voix pour, 10 bulletins blancs (l’opposition) et 3 nuls (à chercher au sein de la majorité de Joé Bédier).

Ce qui a fait dire à Jean-Marie Virapoullé : « votre choix n’a pas fait l’unanimité au sein de votre majorité monsieur le maire ». Il a jouté, non sans sourire : « à 9 mois des élections municipales, vous vous fragilisez… ». Les deux adjoints « virés » n’ont pas assisté au vote du conseil municipal. Ils sont quittés la salle. Avec l’élection des deux nouveaux adjoints, tous les élus de la liste Bédier montent d’un cran. Sabrina Benoit devient 16ème adjointe et Michel Mazeau, le 17ème.
A noter que le maire n’a pas souhaité répondre à Jean Thierry Assicanon, ni à Primilla Cévamy. Et pas même à Jean-Marie Virapoullé. Même si, manifestement, ce n’est pas l’envie qui lui manquait…
A la lecture de l’article, l’ex DGA de la mairie en faveur de laquelle avait témoigné Mme Cévamy a tenu à rectifier les propos du maire en expliquant qu’elle « n’a jamais perdu son procès, que celui-ci est toujours en cours, contrairement à ce qu’a dit le maire ». Elle précise également « avoir bénéficié d’une protection fonctionnelle pour ce procès relatif à des faits de harcèlement moral de sa collecticité » et que « dans le cadre de cette action pénale pour harcèlement », Mme Cévamy avait bien voulu témoigné en sa faveur.