S’il y a bien un grand perdant dans cette 6ème circonscription, au soir de ce premier tour des législatives anticipées et, au-delà, au niveau politique de façon générale à l’échelle communale, c’est bien Alexandre Laï-Kane-Chéong (Alek), le responsable du Parti Croire et Oser (PCO). Il pensait pouvoir enfin concrétiser les essais de 2017 et de 2022 à l’occasion de ces élections législatives de 2024.
Soutenu par les maires de Saint-Denis et de Sainte-Suzanne, Alek qui avait été finaliste en 2022 face à Frédéric Maillot croyait que cette fois allait être la bonne. Pour cela, il n’avait pas hésité à faire la bascule, à passer dans le camp de celles et ceux que son parti et lui même avaient toujours dénoncés.
Certains de ses anciens soutiens lui avaient reproché son rapprochement avec Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne qu’il avait jusqu’ici combattu, notamment lors des échéances municipales. Au conseil municipal, son groupe et lui étaient dans l’opposition. Ils avaient été durant longtemps « le poil à gratter » du maire communiste de la commune, jusqu’à ce ralliement récent établi sous l’égide de la plateforme réunionnaise de gauche portée par Ericka Bareigts.
Pas besoin d’être devineur pour comprendre les contours de cette alliance contre-nature, notamment sur Sainte-Suzanne. Le deal passé était le suivant : Alexandre Laï-Kane-Chéong député et Gironcel tranquille à Sainte-Suzanne en 2026. Les choses ne se sont pas passées comme prévu.
Si Maurice Gironcel peut se targuer d’avoir accompli sa mission en faisant gagner largement le candidat du Parti Croire et Oser dans sa commune de Sainte-Suzanne, ce n’est pas le cas pour Alek à l’échelle de la 6ème circonscription. Ce dernier a terminé en tête à Sainte-Suzanne avec 3 295 voix, loin devant Frédéric Maillot (Nouveau Front Populaire) et devant la candidate du Rassemblement national Valérie Legros.
En revanche, Alek s’est cassé les dents à Sainte-Marie où Frédéric Maillot, le député sortant, l’a largement devancé. Alek termine 3ème à Sainte-Marie ainsi que dans le canton de Saint-André et dans celui de Saint-Denis. Il a perdu son pari osé de s’acoquiner avec les « caciques » de la politique, lui qui s’était, depuis ses débuts dans ce domaine, érigé comme le contestataire du système, le porte-parole des sans-voix, le révolutionnaire prêt à bousculer les codes établis depuis la colonie.
Croire et Oser, un flamboyant qui perd ses fleurs
Suite à ces législatives anticipées, le responsable du Parti Croire et Oser sera contraint de se faire tout petit et de se cantonner dans le rôle de l’élève discipliné au sein du conseil municipal face au maire Maurice Gironcel et au sein du conseil communautaire de la Cinor présidé par le même Maurice Gironcel. Cela dit, depuis quelques mois déjà, Alek n’était plus, au sein de ces instances, le rebelle qu’il avait incarné au début de ses mandats.
C’est ce qui lui a été reproché d’ailleurs par Olivier Dugain, son ancien bras droit, qui l’a quitté juste avant le premier tour des législatives, pour rejoindre le candidat Frédéric Maillot. A noter que depuis sa création, le parti du flamboyant symbolique a perdu quelques uns (unes) de ses membres influents, à commencer par Frédéric Maillot lui-même, suivie de Vanessa Pignolet. Sans compter les autres comme Julie Aroubani, l’actuelle conseillère départementale, binôme du communiste René Sotaca.
Il n’y a pas à dire, de par ses résultats à l’issue de ce premier tour des législatives d’où il sort éliminé, la parole d’Alek semble affaibli en terme de crédibilité politique. Le Parti Croire et Oser devra se remettre en cause et trouver des éléments de langage innovants s’il souhaite se maintenir dans le microcosme politique. Un travail de longue haleine va commencer, à moins que, face à la complexité de la situation, Alek décide, le temps d’une introspection, de jeter l’éponge afin de se consacrer essentiellement à la philosophie, cette matière qu’il enseigne depuis quelques temps. En sachant qu’en politique, les « loosers » ne sont pas toujours vus d’un bon œil, du moins durant un certain temps. C’est la dure et triste réalité de cet univers impitoyable.