Ce n’est certes pas la nouvelle du siècle et, franchement, ça ne va pas empêcher Monsieur et Madame Grondin de Saint-Benoit de dormir, eux qui, par les temps qui courent, sont plus préoccupés par le coût de la vie, par le prix des tomates et des oignons. En revanche, dans le microcosme politique, qui plus est de la région Est de l’île, la nouvelle pourrait surprendre même si la rumeur circulait depuis un peu plus d’une semaine déjà. La même rumeur qui avait circulé d’ailleurs juste après les révélations dans la presse, dans le Quotidien notamment, de l’affaire de la SPL Estival, fin de l’année dernière.
Cette fois, c’est officiel, Patrice Selly, président de la Cirest, se sépare de son directeur de cabinet et ami Jérémy Sheikmeera. La nouvelle a été officiellement annoncée à l’intéressé ce lundi 29 avril aux environs de 17h30, lors d’une réunion de travail sur les divers dossiers de l’intercommunalité Est. Les deux hommes se connaissaient bien; Ils se côtoyaient depuis quelques années. C’est Patrice Selly qui, peu après son élection à la mairie de Saint-Benoit, en juin 2020, a fait appel aux services de Jérémy Sheikmeera; Lequel travaillait déjà pour Jean-Claude Fruteau, l’ancien maire de la commune, décédé depuis.
« Comme chouchou ek la morue »
Jérémy Sheikmeera avait fait la campagne électorale de la présidentielle de 2012 aux côtés du socialiste Jean-Claude Fruteau en faveur de François Hollande. Il fait également la campagne de Jean-Claude Fruteau aux municipales de 2014. Patrice Selly était sur la liste de l’ancien maire socialiste. Jérémy Sheimeera, lui, travaillait au SDIS. Un poste d’officier obtenu après l’obtention de son concours qu’il était allé préparer en métropole à partir de 2017.
En 2017, Patrice Selly prend ses distances avec l’équipe municipale majoritaire. En 2020, il accède au fauteuil de maire de la commune. La suite, vous la connaissez. Une étroite collaboration voit le jour entre le nouveau maire et Jérémy Sheikmeera à qui il est confié la direction du cabinet. C’est dire la confiance qui règne entre les deux hommes connus comme « chouchou ek la morue ».
Quelques mois plus tard, Jérémy Sheikmeera quitte le cabinet du maire de Saint-Benoit pour rejoindre la direction du cabinet de la Cirest présidée par Patrice Selly. Suite au départ de Fabrice Grondin, le poste était en effet vacant. Jérémy Sheikmeera est remplacé au cabinet du maire par Laurent Voulama. En fait, il quitte Patrice Selly à la mairie pour retrouver… Patrice Selly à la présidence de la Cirest. La confiance est plus que jamais intacte. Le temps passe. En janvier 2023, Laurent Voulama est remplacé, à la direction du cabinet du maire, par Merry Laballe, une femme originaire du quartier de la Rivière-des-Roches mais qui a longtemps travaillé dans l’hexagone et au Parlement européen.
Selly et Sheikmeera poursuivent leur chemin à la Cirest. Un dir-cab est toujours très proche de son maire et, en l’occurrence dans le cas présent, de son président. C’est le cas de Jérémy Sheikmeera auprès de Patrice Selly à la Cirest. Lorsque Patrice Selly a gardé la présidence de la Cirest en juillet dernier, alors que le relais devait être passé à Joé Bédier, maire de Saint-André, le dir-cab a tout fait pour sauvegarder une certaine cohésion autour de son président. La Cirest n’a jamais manqué de quorum. Les budgets ont toujours été votés : à l’unanimité avant 2023 et à la majorité depuis cette même année, en raison justement de cette histoire de présidence tournante qui n’a pas « tourné ».
Besoin de sang neuf pour se rebooster avant les municipales de 2026
Il est dit que Patrice Selly a besoin aujourd’hui de sang neuf autour de lui afin de rebooster son équipe, de mieux se préparer pour les municipales de 2026 où la partie ne s’annonce pas facile d’autant que le député Jean-Hugues Ratenon a déjà fait savoir qu’il souhaitait partir « à la conquête de l’Est ». Il a déjà acheté une petite maison à Saint-Benoit où il paye – ou paiera très prochainement – des impôts afin de pouvoir « candidater »aux prochaines municipales.
Par ailleurs, dans le propre camp de la majorité municipale, ce n’est pas la grande histoire d’amour. Un peu comme dans de nombreuses équipes majoritaires des collectivités de l’île, et même d’ailleurs, il y a toujours quelques bisbilles entre les exécutifs et certains de leurs élus. A Saint-Benoit, Patrice Selly n’échappe pas à la règle. Quelques uns de ses élus, autrefois très proches, lui reprochent aujourd’hui certaines de ses décisions. Au niveau du social ou encore de sa politique sportive, par exemple. La municipalité n’a pas fini de gérer « l’après cyclone Bélal ». Plusieurs centaines d’administrés font régulièrement la queue devant les services sociaux du CCAS (Centre communal d’action sociale). D’où la prise de distance de certains élus de la majorité avec l’exécutif.
Patrice Selly, maire, a besoin de ressouder, de renforcer son équipe. Il lui faut remettre de l’ordre pour partir sur de bons pieds dans la perspective de 2026. Sauf que, pour l’instant, c’est Patrice Selly, président de la Cirest, qui a commencé ce travail « d’élagage » en se séparant de son directeur de cabinet, avec lequel « Banian » (le parti politique de Selly) avait pourtant réussi à gagner deux cantons aux élections départementales de juin 2021 (Bruno Robert et Augustin Cazal); Avec lequel également « Banian » avait pu faire gagner la socialiste Ericka Bareigts à Saint-Benoit en juin 2021; Avec lequel « Banian » avait pu aussi envoyer Ridwane Issa en finale de la députation de juin 2022 face au député sortant Ratenon; Avec lequel, Patrice Selly a opté pour la plateforme politique mise en place lors des sénatoriales; Laquelle plateforme a abouti à la victoire de la socialiste Audrey Bélim. Un dir-cab qui n’avait pas quitté d’une semelle son président même au plus fort de l’affaire SPL Estival et de la tempête syndicale qui s’en est suivie.
A noter également que plusieurs gros dossiers sont sortis de terre, durant ces derniers mois, du côté de la Cirest : la zone de Paniandy (à Bras-Panon) qui sommeillait depuis une dizaine d’années; Sans compter les unités de potabilisation de Dioré…, la restructuration du site de Bassin Bleu, les dossiers environnementaux et bien d’autres encore. Malgré une collaboration professionnelle relativement fructueuse, le président de la Cirest a donc pris la décision, en ce lundi 29 avril 2024, de « couper la tête » à son dir-cab Jérémy Sheikmeera qui devrait prochainement retourner à son corps de métier d’origine, à savoir le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) où il était lieutenant. D’autres têtes devraient « sauter » d’ici à quelques semaines, dit-on, dans l’entourage de Patrice Selly. D’aucuns diront que Jérémy Sheikmeera pourrait, suite à cette décision le concernant personnellement, avoir le sentiment d’une injustice. Pas de sentiment ! Ainsi va la vie politique… Mon petit doigt me dit que l’ex dir-cab n’abandonnera pas pour autant la politique et qu’il restera un acteur engagé sur le territoire bénédictin, lui qui a été à l’école de feu Jean-Claude Fruteau… tout comme l’a été Patrice Selly. A suivre !
Y.M.