Mercredi 4 mai, Saint-Denis, Ville fraternelle, a inauguré à la médiathèque François Mitterrand un dispositif inédit à La Réunion et en outre-mer : un espace Editions Jeunesse Accessible (EJA) dédié aux enfants ayant des difficultés de lecture en raison d’un handicap cognitif, sensoriel, intellectuel, comportemental ou neurodéveloppemental. Dans le même temps s’ouvrait l’exposition photo Connexion, issue du travail de Marc Lanne-Petit, au cours duquel il explore « le lien, le contact, l’humanité et la dualité » qui existent entre soignants et soignés dans les établissements accueillant de jeunes porteurs de handicap.
Le taux d’illettrisme s’élève à 23 % à La Réunion, contre 7 % en métropole. On compte par ailleurs 80 % de personnes illettrées parmi le public sourd et malentendant.
Pour contrer ces chiffres et tenter d’enrayer ce fléau qui n’est pas une fatalité, Saint-Denis, Ville fraternelle s’engage activement dans la lutte contre l’illettrisme et dans la lutte contre les discriminations :
– Son arme : la lecture, par ailleurs grande cause nationale de l’année.
– Son ambition : mettre la lecture au cœur de la vie de tous.tes les Dinonysien.nes en portant une attention plus particulière aux plus jeunes et à celles.eux qui en sont éloigné.es.
Pour l’inauguration de l’espace Editions Jeunesse Accessible (EJA), les contes dits par Stéphane Thomas de la compagnie Artourn & compagnie étaient traduits en Langue des Signes afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Un soutien qui donne déjà le ton et l’esprit du dispositif mis en place par la Mairie.
EJA : LA CULTURE ACCESSIBLE À TOUS LES ENFANTS
Constatant que les jeunes empêché.es de lire ou en difficulté de lecture ont besoin d’une attention et d’une offre particulière en médiathèque, le Réseau de Lecture Publique (RLP) de la Ville de Saint-Denis a choisi de mettre en place le dispositif EJA dans ses différentes structures, avec l’aide de partenaires opérationnels et financiers.
Ce dispositif consiste en un fonds spécifique, composé des livres adaptés aux enfants de 3 à 13 ans ayant des difficultés de lecture en raison de différents troubles ou handicaps : la déficience auditive (surdité et malentendance), la déficience visuelle (cécité et malvoyance), les troubles DYS (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité…), la déficience intellectuelle et les troubles du spectre autistique.
Le RLP de Saint-Denis proposera donc plusieurs centaines de livres – accessibles à tous – en braille, tactiles, en Langue des Signes Française, en «Facile à Lire et à Comprendre», en pictogrammes ou encore des livres audio : 350 à 400 livres à la bibliothèque François Mitterrand, entre 50 et 150 livres dans chacune des bibliothèques municipales du réseau (La Montagne, La Bretagne, Bois de Nèfles, Bas de La Rivière et Chaudron), et une cinquantaine dans le Médiabus (médiathèque mobile).
Au-delà des livres adaptés, le dispositif EJA se déclinera dans une action culturelle plus globale, comprenant aussi des ateliers créatifs, des jeux, des spectacles (à l’image des contes traduits en Langue des Signes), accessible à tous les publics, tout au long de l’année.
LES PARTENAIRES DU PROJET EJA
Le dispositif EJA a été élaboré par l’association lilloise Signes de Sens, dont la mission est de rendre la culture, les apprentissages et l’information accessibles aux personnes en situation de handicap cognitif, sensoriel, mental ou psy- chique.
Les premiers espaces EJA ont vu le jour en 2019, ont été déployés dans une quarantaine de médiathèques en Métropole, et pour la première fois en outre-mer, à Saint-Denis.
Différentes associations locales accompagnent également la Ville dans la mise en œuvre du dispositif :
• le Comité Valentin Haüy Réunion et Océan Indien (pour l’autonomie des personnes aveugles et malvoyantes),
• l’Association Autisme Réunion (pour les parents de personnes avec autisme),
• l’Association APEDYS (association d’Adultes et de Parents d’Enfants atteints de troubles des apprentissages).
Enfin, le Centre National du Livre (CNL) a attribué une aide de 16 629€ dans le cadre le développement de la lecture auprès de publics empêchés de lire.
CONNEXION, L’EXPO PHOTO QUI RÉVÈLE LES LIENS, CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Du 4 au 27 mai, la salle d’exposition de la médiathèque François Mitterrand accueille également une série de photographies de Marc Lanne-Petit, intitulée Connexion.
Père d’un jeune garçon polyhandicapé, accueilli en Institut d’Education Motrice, il a choisi d’interroger « la distance émotionnelle dans le cadre du monde de la santé, et plus particulièrement dans les établissements accueillant de jeunes porteurs de handicap ». Par son travail photographique, l’artiste explore ici « le lien, le contact, l’humanité et la dualité » qui existent entre soignants et soignés dans ces établissements, « le besoin d’affection des jeunes face au besoin de protection des soignants ».
« Cette série de photographies est issue d’un travail sur le préjugé et le regard, explique le photographe. En regardant les photos, on ne va pas forcément discerner le handicap. Il s’agit de montrer par un point de vue artistique le handicap d’une autre manière, qui va changer, faire évoluer le point de vue.
L’exposition s’appelle Connexion. Elle a vocation à montrer l’importance de la relation avec le soignant, mais aussi de montrer que les personnes qui accompagnent s’impliquent, qu’il y a de l’émotion au-delà du soin. »
CONNEXION, PAR MARC LANNE-PETIT
Photographe et réalisateur, Marc Lanne-Petit poursuit depuis plusieurs années un questionnement de fond sur « l’identité, sur ce qui fait ce que nous sommes et notre relation à l’autre ».
Le projet Connexion est une résidence photographique menée dans 3 établissements ouverts au projet, en 2019 :
• l’IMS Champs de Merle à L’Eperon,
• l’IME Levavasseur à Saint-Denis,
• l’IME Baobab à Bras-Panon.
« Des prises de vues ont été organisées tout le long de la résidence entre des duos soignants/soignés. […] Le questionnement du principe de distance relationnelle du soin est toujours présent. C’est un sujet sensible qui, à mon sens, peut s’exprimer pleinement au travers du prisme artistique qu’est la photographie. »
Sonia Bardinot, Élue déléguée à la culture : « Les personnes atteintes de troubles du spectre autistique, de troubles DYS ou porteuses de handicap ont toute leur place dans notre monde actuel. Et des efforts sont faits pour les inclure dans la vie publique (signalétique adaptée aux personnes mal-voyantes, traduction d’interventions en langue des signes, etc.). Mais il faut aller au-delà. On ne pense pas encore assez que toute personne doit pouvoir bénéficier d’un accès à la culture. Car l’accès à la culture, à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture apporte aux personnes les plus vulnérables un bien-être et un confort quotidien.
C’est pourquoi nous sommes fier.es d’accueillir cette démarche inclusive, qui vise à lutter contre l’illettrisme mais aussi contre les discriminations envers les personnes illettrées, porteuses de handicap, « pas ordinaires », parfois considérées comme des extra-terrestres.
A partir du moment où on connaît ces troubles, c’est à nous de nous adapter aux personnes qui en sont porteuses, ici en proposant des livres spécifiques, qui sont là pour nous donner de la lumière. Et nous invitons les parents à emmener leurs enfants dans cet espace ! »
Jacqueline Payet, Élue déléguée à la lutte contre l’illetrisme : « À La Réunion, on compte 116 000 personnes touchées par l’illettrisme, c’est-à-dire trois fois plus qu’en métropole. C’est pourquoi Saint-Denis organise au mois de septembre une semaine de lutte contre l’illettrisme, lors de laquelle on rencontre les associations et toutes les forces vives qui œuvrent en ce sens.
Ce que nous voudrions, c’est que notre Ville se construise aussi sur des valeurs humaines. Nous voulons être la capitale du bien vivre ensemble, et un exemple pour La Réunion. Nous avons également l’ambition d’être une Ville inclusive et fraternelle, où chaque individu, jeune, moins jeune ou âgé, trouve sa place et ait un rôle à jouer, une Ville ambitieuse, où on amplifie la lecture pour tous, et une Ville jeune, qui permette à nos jeunes de s’épanouir et de construire leur vie.
Nous voulons permette une ouverture sur la ville et sur le monde pour les personnes qui souffrent d’un handicap, en leur garantissant un accès à la lecture.
Nous avons également un autre levier pour lutter contre l’illettrisme : les vacances en pied d’immeuble, qui donneront lieu par exemple à des lectures de livres imagés, des ateliers de découverte de la lecture, etc. auxquels les familles sont associées pour qu’il y ait une continuité au domicile.
La lecture étant Grande Cause Nationale 2022, je pense qu’il est important que l’EJA soit accessible à tous et ne soit pas restrictif. À Saint-Denis, nous sommes prêts à tout pour sortir de l’illettrisme ! »