À La Réunion, la déception est « à la hauteur des attentes ». Alors que le Président de la République effectuait son grand retour sur l’île, six ans après sa dernière venue, nombreux espéraient des annonces fortes et des décisions concrètes face aux urgences du territoire. Mais pour beaucoup d’élus et de citoyens, ce déplacement présidentiel n’aura été qu’ »une visite de plus », « sans cap et sans réponses adaptées à la réalité du terrain ».
Emmanuel Séraphin, maire de Saint-Paul : « rendez-vous manqué ».
« La venue du Président de la République à La Réunion, six ans après sa dernière visite, devait être un moment d’engagement et de réponses concrètes. Elle restera comme une visite de plus, sans cap, sans annonces à la hauteur, sans solutions pour les Réunionnaises et les Réunionnais.
Depuis 2019, le pouvoir d’achat s’est effondré, les prix flambent, la crise du logement s’est aggravée, les besoins en santé, en emploi et dans la prévention des risques climatiques sont restés sans réponse.
La visite du Président de la République intervient dans un contexte de fortes tensions à La Réunion, marqué par les conséquences du cyclone Garance, qui a durement frappé le territoire. Au-delà des dégâts immédiats, cette catastrophe a mis en lumière l’urgence d’une politique sérieuse d’adaptation au dérèglement climatique.
Le manque d’entretien et de curage des ravines aggravent les risques d’inondations. Ils révèlent aussi l’insuffisance des moyens alloués pour protéger les populations. Et pendant ce temps, aucun plan national structuré n’est annoncé.
À cela s’ajoute une crise sanitaire alarmante, avec une épidémie de chikungunya qui touche des dizaines de milliers de Réunionnais, dans un contexte de fragilité des services de santé.
Sur la question des Parcours Emplois Compétences (PEC), nous attendions des réponses claires du Président face au désengagement massif de l’État. Il n’en fut rien, c’est la politique du : “en sorte à zot”. Les élus locaux comme le tissu associatif, pourtant en première ligne de l’insertion, ont été contournés lors de cette visite, ne permettant pas de prendre le pouls réel de la situation et des attentes de la population sur l’ensemble du territoire.
Et pendant ce temps, neuf ministres des Outre-mer se sont succédé, sans continuité ni stratégie. Le seul qui demeure, c’est le Président de la République. Il est aujourd’hui comptable de ce bilan.
Le Président parle d’influence, de stratégie indo-pacifique. Mais ici, ce qu’on attend, ce sont des logements, une amélioration du pouvoir d’achat, des engagements pour l’hôpital, un soutien au monde agricole, économique et associatif. Du concret pas des concepts.
Le résultat est là : une visite sans réponses concrètes pour les Réunionnaises et les Réunionnais. Nous avons besoin d’un État en action. »
Joé Bédier, maire de Saint-André : « un déplacement symboliquement décalé et politiquement préoccupant »
« À Saint-André, le Président a manqué l’essentiel ! « Quel message l’Élysée veut-il envoyer au peuple réunionnais ? » Ce mardi 22 avril, j’ai appris par la presse que le Président Emmanuel Macron, en déplacement à La Réunion, s’était rendu à Saint-André. Non pas pour rencontrer les familles sinistrées par le cyclone Garance. Non plus pour échanger avec les associations mobilisées ou les services municipaux qui, depuis des semaines, se battent pour reconstruire. Mais pour rendre visite à un ancien élu, condamné par la justice et déchu de toute responsabilité publique. Une démarche politique qui s’écarte totalement du cadre républicain.
Ce choix n’est pas anodin. Il est lourd de sens. Et, à l’heure où nos concitoyens attendent des actes forts, de la solidarité, de la transparence, il envoie un signal profondément déroutant.
À Saint-André, commune parmi les plus touchées par le cyclone, des centaines de familles vivent encore dans la précarité. Les urgences sociales sont partout. Nos équipes sont mobilisées sans relâche. Et pourtant, la visite présidentielle s’est tenue à huis clos, loin du terrain, loin de la réalité, loin des élus en responsabilité.
Ce geste interroge. Quelle est la priorité du chef de l’État ? Préparer les échéances politiques de demain avec ceux d’hier, ou construire l’avenir avec celles et ceux qui agissent aujourd’hui, dans la légitimité démocratique que leur a confiée le peuple ?
Je suis entré en politique en 1998 avec une conviction : nous devons être exemplaires. En tant que Maire depuis 2020, je m’efforce chaque jour de faire vivre cette exigence. Alors comment ne pas s’étonner que le Président de la République rende hommage à un homme condamné pour prise illégale d’intérêts, inéligible pour dix ans, et sanctionné d’une amende de plus de 50 000 euros ? Est-ce ainsi que l’on restaure la confiance
dans les institutions ? Est-ce cela, l’exemplarité républicaine ?
Alors que La Réunion cumule crise économique, sociale et sanitaire, les Réunionnais vivent dans l’indifférence d’un État qui semble les oublier. Ce silence, face à tant de détresse, sonne comme un manque de respect.
Pendant que l’attention se porte sur des affaires du passé, notre jeunesse attend des réponses. À Saint-André, nous avons hérité d’une situation lourde : un territoire fragilisé, un chômage endémique, des perspectives en berne. Mais depuis 2020, notre municipalité se bat, sans relâche, pour redonner à notre ville un cap de développement et d’espoir. Ce dont nous avons besoin, ce ne sont pas de symboles du passé, mais
d’engagements concrets : des investissements dans nos zones d’activités, nos infrastructures, notre formation. Nous méritons mieux que l’oubli.
Et je le redis : ce n’est pas à un ancien élu que l’on devrait s’adresser pour penser l’avenir de La Réunion. Ce sont les exécutifs en place, les élus légitimes, ceux qui portent aujourd’hui les espoirs et les besoins des Réunionnais, qui doivent être associés aux décisions d’envergure. À moins que le mépris des territoires d’outre-mer ne soit plus fort que la République elle-même ?
Je suis Maire de la Ville de Saint-André, et je continuerai à porter la voix de celles et ceux qui, trop longtemps, ont été ignorés. Avec des convictions claires : justice, égalité, respect. Et une exigence inébranlable : que la République tienne parole. »
« Des mots, aucun acte », dénonce le PLR
« Le PLR (Pour La Réunion) tient à exprimer sa vive déception à la suite de la visite éclair du Président de la République Emmanuel Macron sur notre île ce mardi 22 avril 2025.
Alors que La Réunion traverse une crise sanitaire grave, marquée par l’épidémie du chikungunya, qui a déjà touché plus de 100 000 Réunionnais, aucune réponse à la hauteur de l’urgence n’a été apportée par le chef de l’État. Le décès tragique d’un nourrisson, survenu hier, illustre cruellement la gravité de la situation et le décalage entre la visite du chef de l’État et les besoins sur le terrain.
Malgré les alertes répétées depuis novembre 2024, le déploiement des moyens humains et financiers reste dramatiquement insuffisant. Nous posons une question simple : si une telle épidémie avait frappé la Bretagne, la réaction de l’État aurait-elle été la même ? Ce traitement différencié, cette forme de désinvolture face aux réalités ultramarines, alimente un profond sentiment d’abandon que nous ne pouvons plus tolérer.
De même, l’ensemble du système de santé est mis à rude épreuve et alors que l’hôpital éprouve des besoins cruciaux, aucune réponse n’a été apporté sur l’aide à la trésorerie du CHU, l’appui au déploiement du pôle femme-parent-enfant, la compensation des EVASAN, la révision du coefficient géographique pourtant réclamés par une unanimité politique et syndicale qui avait parlé d’une seule voix lors d’une conférence de presse organisée le 21 mars 2025.
Sur d’autres sujets essentiels, la visite présidentielle n’aura apporté que silence ou demi-mesures :
● La réponse à la crise agricole est très en deçà des attentes exprimées par les professionnels du secteur.
● Aucune annonce concrète n’a été faite pour répondre à la crise majeure du logement et de la vie chère qui touche notre population.
● Aucun engagement structurant n’a été pris en faveur de l’insertion, la formation, l’éducation et l’emploi, alors même que notre jeunesse est en première ligne des difficultés sociales.
Si le PLR se félicite qu’il y ait désormais une vision partagée sur l’importance géostratégique de notre place dans la zone océan Indien, nous regrettons que le Président n’ait même pas pris la peine de réaffirmer le slogan « océan Indien, zone de paix », dans un contexte régional qui exige pourtant, plus que jamais, une vision claire et pacifiste. Nous nous inquiétons vivement que la seule annonce concrète prononcée par le président de la République, soit la décision d’envoyer plus de 200 militaires supplémentaires au sein des FASZOI. Nous rejetons fermement cette vision qui constitue un élément d’escalade militaire dans un contexte marqué par une recrudescence des tensions entre la Chine et les États-Unis d’Amérique.
Par ailleurs, si nous saluons le retour à 10 mois de la durée des contrats PEC, nous regrettons que leur taux de prise en charge demeure à 50%, au lieu des 60% préalablement en vigueur.
Cette visite, trop courte et trop éloignée des réalités du terrain, a manqué l’occasion d’envoyer un signal fort à la population réunionnaise. Nous attendions de la considération, nous avons eu du survol. Nous espérions des actes, nous n’avons eu que des mots.
Le président de la République n’aura eu de cesse depuis la dissolution de l’Assemblée nationale d’illustrer son décalage vis-à-vis des aspirations populaires, il se sera illustré, une fois de plus lors de ce déplacement, par son incapacité à répondre aux attentes de la population. »
Philippe Naillet, député PS : « une visite pour rien »
Dans un communiqué publié ce mercredi 23 avril 2025, Philippe Naillet, député de la 1ère circonscription de La Réunion, a vivement critiqué la visite du président de la République, Emmanuel Macron, sur l’île. Selon l’élu, cette première venue depuis 2019 s’est révélée « une visite pour rien ».
L’élu souligne que cette visite intervient dans un contexte particulièrement tendu pour La Réunion, marquée à la fois par les conséquences de l’après-Garance et par une épidémie de chikungunya en forte progression, ayant provoqué la mort d’un nourrisson, ce qui porte le bilan à neuf décès.
Philippe Naillet rappelle également que plusieurs crises profondes touchent le quotidien des Réunionnais : la crise du logement, avec 50 000 demandes de logements sociaux non satisfaites, la fragilité du tissu économique confronté à un niveau record de défaillances d’entreprises en 2023, ainsi qu’une crise sociale persistante, illustrée par des taux de pauvreté et de chômage « bien plus élevés que dans l’hexagone ».
Concernant les quelques annonces faites pour le monde agricole, touché par les cyclones Belal et Garance, le député estime que « le compte n’y est pas » et que les mesures restent très insuffisantes pour éviter l’effondrement des filières.
Même constat pour le secteur sanitaire, durement éprouvé par l’épidémie de chikungunya. Philippe Naillet déplore l’absence de réponse sur l’actualisation du coefficient géographique, indispensable au bon fonctionnement de l’hôpital public.
Le député regrette également le silence du Président sur la question de la vie chère, un sujet qui, selon lui, continue « d’empoisonner la vie de nos concitoyens ». Il rappelle qu’un projet de loi est attendu au Parlement avant l’été, et réaffirme son engagement, aux côtés de son groupe parlementaire, à défendre des mesures structurelles. Il évoque notamment la transparence sur les marges arrières, la publicité des comptes, et la régulation des positions dominantes, dans la lignée de leur proposition de loi adoptée en première lecture en janvier 2025 à l’Assemblée nationale.
Philippe Naillet conclut son communiqué par une critique acerbe du format de la visite : « Cet aller-retour au pas de charge est incompréhensible. Emmanuel Macron était à La Réunion certes, mais bien loin des Réunionnaises et des Réunionnais ainsi que de leurs préoccupations quotidiennes. »
Le Progrès : « une visite politicienne, méprisante et insultante ! »
C’est un communiqué signé d’Harry Morel, président du Progrès et de l’ensemble des membres du Conseil Politique du Parti. « Le chikungunya et ses victimes ? Les sinistrés de Garance ? Les familles en attente de logement ? Le pouvoir d’achat des Réunionnais ? Les PEC ? L’agriculture ? L’économie ?
Tout ce qui intéresse la Réunion a été balayé d’un revers de la main par le Président de la République !
Jamais une visite présidentielle n’a été aussi inutile et indécente. Emmanuel Macron n’est effectivement venu à la Réunion que pour distribuer embrassades et médaille à ses amis politiques. Son véritable objectif : relancer la « franchise Macron » avec des élus complices et hors-sol, dans le
département qui a peut-être le plus souffert de sa politique….
Un symbole de ce mépris ? Plutôt que d’aller à la rencontre des Réunionnais de l’Est éprouvés par le cyclone, Emmanuel Macron a préféré rendre une visite très politique à un ancien élu…une outrance fort justement dénoncée par le maire de St André, dont la population encore en souffrance a été insultée.
Plutôt que de parler de la situation sociale des Réunionnais (qu’il a d’ailleurs soigneusement évités), le Président a préféré épingler une médaille au veston d’un Président de Département évidemment complaisant.
Cette remise de médaille est d’ailleurs la seule séquence à laquelle les maires ont été invités ! Les maires, porteurs de la parole des Réunionnais et experts de leurs territoires, devraient donc rester silencieux et se contenter d’applaudir des remises de médailles ? Les élus du Progrès 974 s’y
refusent !
Le Président de la République (visiblement en pré-campagne), les élus Les Républicains et la droite locale ont quant à eux choisi de célébrer leurs noces, devant des Réunionnais stupéfaits et en colère. Ces Réunionnais leur rappelleront sans doute que les médailles ont leur revers ».