Lutte contre la vie chère : Laurent Virapoullé propose de « déboulonner » l’octroi de mer (VIDÉO)

« Réformer l’octroi de mer, le financement des collectivités et les aides à la production locale afin de lutter contre la vie chère », c’est le titre d’une tribune signée Laurent Virapoullé, acteur économique (patron de Pêche Avenir) et membre du MPTU (Mouvement Politique TRait-d’Union), qui est présidé par le maire de Sainte-Rose, Michel Vergoz. Rappelons que Laurent est le fils de Jean-Paul Virapoullé, qui a été maire de Saint-André ainsi que député, sénateur, conseiller général, régional…

A l’heure où ça pète en Martinique et en Nouvelle-Calédonie et à la veille de l’arrivée en Martinique du nouveau ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, Laurent Virapoullé jette un pavé dans la mare en relançant le débat sur un sujet qui fâche les élus locaux ainsi que des chefs d’entreprises. Il s’agit de la réforme de l’octroi de mer. Le patron de Pêche Avenir (pêche de la légine) propose de supprimer l’octroi de mer qui, selon lui est l’un des facteurs qui se trouvent être à l’origine de la vie chère, et de la remplacer par une TVA OM. Ecoutez Laurent Virapoullé, il est au micro d’Yves Mont-Rouge :

https://www.facebook.com/100016989824186/videos/1061697785741349

Voici ci-dessous sa tribune :

« L’insurrection des jeunes Kanaks qui a réduit en cendres l’économie calédonienne, l’adoption par le congrès de Guadeloupe, à l’unanimité des élus, d’un projet autonomiste tournant résolument le dos à la départementalisation, la submersion de Mayotte un tsunami migratoire venu des Comores, de Madagascar et de l’Afrique de l’Est ont marqué l’actualité de l’année 2024.  Inégalités sociales, vie chère et immigration illégale touchent aussi la Réunion.

« L’écart de prix sur les produits alimentaires se situe entre 30 à 40 % par rapport à la métropole ! »

L’Outre-mer français est très gravement malade et, dans les territoires, le pacte social est rompu ou sur le point de l’être. La dernière crise en date (les manifestations contre la vie chère aux Antilles) doit être prise très au sérieux car elle traite d’un problème commun pour l’ensemble de l’Outre-mer. Le risque de contagion est donc extrêmement élevé. Cette crise intervient à un moment où la démocratie française est confrontée à une situation de blocage politique inédit dans un contexte de forte dégradation des comptes publics.

Les manifestants réclament l’égalité des prix pratiqués par la grande distribution locale avec ceux pratiqués en métropole. Nous en sommes très loin : l’écart de prix sur les produits alimentaires se situe entre 30 à 40 % par rapport à la métropole ! Réunis en urgence par le préfet de Martinique. le monde économique local a proposé une baisse de 20 p. Cent sur 2500 produits de première nécessité. Cette baisse serait obtenue par un mécanisme de péréquation consistant à réduire les marges des distributeurs et les taxes sur ces produits tout en augmentant les taxes et les marges sur les produits à haute valeur ajoutée (comprenez les produits plus chers). Un jeu à somme nulle consistant à bouger les curseurs qui n’a pas convaincu les manifestants lesquels attendent des solutions structurelles plus sérieuses…. En filigrane de ce débat se pose la question de l’octroi de mer que personne n’ose aborder sérieusement de peur de provoquer la faillite des collectivités locales et l’effondrement du fragile tissu économique ultra marin.

En refusant d’aborder cette question fondamentale élus et chefs d’entreprise courent pourtant  le risque de s’isoler de la population qui n’arrive pas à comprendre cette attitude égoïste. Les ménages ne parviennent plus à joindre les deux bouts y compris ceux qui travaillent ! Le risque d’insurrection est donc réel et plutôt que d’attendre que les ronds points soient à nouveau occupés que les grandes surfaces soient prises d’assaut, il appartient aux forces vives de tracer les contours d’une société plus juste et donc plus prospère. Le soleil se lève pour tout le monde. Telle doit être la boussole de notre action politique !

Près de 40 ans après l’avènement du marché unique européen, source incontestable de progrès économique et social qui a ramené la paix sur le continent, il est temps d’achever l’intégration de nos territoires au marché unique. Les Réunionnais tout comme les Antillais, les Guyanais et les Mahorais ne veulent plus être considérés comme des citoyens européens de seconde zone. Ils veulent pouvoir acheter des produits européens sans que ces derniers ne fassent l’objet de droits de douanes comme tous les autres citoyens de l’Union européenne. « Nou lé pas plis nou lé pas moins ! » C’est la raison pour laquelle les réunionnais souhaitent  une réforme de l’octroi de mer.

Un chemin existe, qui préservera les finances des collectivités locales et peut même assurer le développement de notre tissu économique tout en permettant aux consommateurs d’acheter des produits locaux au même prix qu’en métropole

Ce changement de paradigme suppose la mise en place de deux outils : une TVA additionnelle ou TVA OM pour le financement des collectivités et un plan de compensation des surcoûts pour permettre aux entreprises locales de vendre au même prix qu’en métropole tout en pérennisant leur activité.

L’octroi de mer finance le fonctionnement des collectivités locales et donc le pouvoir d’achat des milliers d’employés qu’il convient de préserver. La TVA OM ou TVA additionnelle compensera la baisse des recettes d’octroi de mer. Il serait juste que l’état au titre de la solidarité entre les territoires contribue également à cet effort pour ne pas faire porter sur les seuls consommateurs ultra marins la charge du financement des collectivités. Une négociation devra s’engager entre l’état et les collectivités ultra marines pour déterminer un juste partage des efforts financiers. Le prix d’une paix civile préservée par cette réforme anticipée et courageuse devra être pris en compte par tous dans cette négociation.

Au final, les finances des collectivités locales seront préservées. L’autonomie fiscale également, en remplaçant une multitude de taux illisibles d’octroi de mer par un seul taux de TVA, le contrôle par les citoyens de la fiscalité des collectivités locale s’en trouvera renforcé. Selon les études le simple remplacement de l’octroi de mer par la TVA devrait amener une baisse des prix d’au moins 5%.

Reste la question de la protection de la production locale. Actuellement elle se fait au détriment du consommateur qui doit payer de l’octroi de mer car notre tissu productif souffre de handicaps structurels liés à l’éloignement et à l’insularité. On renchérit les produits importés pour les mettre au même niveau de prix que la production locale. C’est la double peine pour les consommateurs ultramarin : plus pauvres que ceux de la métropole, ils sont condamnés à payer plus chers les biens de consommation qu’ils achètent.

« La vérité sur les marges doit être faite ! »

Là encore un autre chemin existe : celui de la décolonisation par l’intégration comme le disait feu le Sénateur Albert Ramassamy. Cette démarche doit se construire dans le cadre d’une négociation avec l’Union européenne.. En échange de l’ouverture de nos marchés nous devrions négocier avec l’Union européenne le financement d’un vaste plan de compensation des surcoûts subis par les producteurs ultramarins afin que le coût de revient de nos produits soit le même que celui fabriqué en métropole.

Naturellement, un tel dispositif  suppose que la vérité sur les marges soit faite ! Par exemple on sait que le prix de revient d’un œuf  produit localement est de 40 % supérieur à celui d’un œuf produit en métropole. Il appartient à l’Union européenne de compenser ces surcoûts avec en contrepartie l’engagement pour l’entreprise de vendre ses œufs au même prix qu’en métropole. Ce raisonnement vaut pour toutes nos filières de production (lait viande légumes etc…). Il est légal et un tel dispositif a déjà été approuvé par l’Union européenne pour soutenir les filières de pêche. C’est ainsi que plusieurs produits de la pêche réunionnaise figurent parmi le bouclier qualité prix. (BQP)

Cette nouvelle approche est gagnante pour tous. Elle permet de baisser les prix et de faire bénéficier aux consommateurs de produits péi au prix métropole. Elle préserve les marges fragiles de notre tissu productif local et la baisse attendue des prix provoquera une augmentation du volume des ventes.

l’Union européenne aussi pourrait y trouver son compte. D’abord, en mettant fin à cette exception ultra marine d’une barrière douanière afin de parachever la construction du marché commun. Une telle politique serait bénéfique sur le plan économique et social. Sur le plan environnemental également, en renforçant la production locale, nous améliorerons l’empreinte carbone de nos territoires et nous prendrons ainsi avec l’aide de l’union, notre part dans la lutte contre le dérèglement climatique.

L’Union européenne sera amenée à se prononcer sur le maintien du dispositif actuel de l’octroi de mer en 2027. Mettons à profit ces 3 prochaines années pour redessiner les contours d’un nouveau modèle de société qui permette aux collectivités locales, aux entreprises et aux citoyens de s’y retrouver. J’invite notamment les élus à ne pas s’enfermer dans un combat d’arrière-garde consistant à vouloir sauver le dispositif actuel d’octroi de mer contre l’avis des citoyens et du pouvoir central.

354 ans après que Louis XIV eût instauré l’octroi de mer il est temps d’envisager son remplacement par d’autres dispositifs. Il est temps de déboulonner cette vieille clé de voûte du comptoir colonial pour construire une société plus juste pour tous et assurer une nouvelle phase du développement économique et social de nos territoires ».

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