Nommé Premier ministre le 5 septembre dernier par le Président de la République Emmanuel Macron, Michel Barnier, a prononcé son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale ce mardi 1er octobre à 15 heures (17 heures à la Réunion). Ce discours, d’une durée d’environ 1h20, a tracé les grandes lignes de son programme pour les deux années et demie à venir parmi lesquelles une revalorisation de 2% du Smic.
Michel Barnier a mis en avant cinq priorités principales : l’amélioration du niveau de vie, la réforme des services publics, le renforcement de la sécurité, la gestion de l’immigration et la promotion de la fraternité.
Sur le plan économique, il a annoncé son intention de réduire le déficit public, avec pour objectif de le ramener sous 5 % du PIB en 2025 et sous 3 % en 2029. Une mesure phare est l’introduction d’une contribution exceptionnelle pour les Français les plus aisés.
Parmi les mesures sociales, une revalorisation de 2 % du SMIC est prévue pour novembre 2024. Michel Barnier a également laissé entendre une possible réflexion sur une réforme du mode de scrutin proportionnel, en réponse à certaines revendications politiques.
Sur le plan politique, Michel Barnier a insisté sur la nécessité de recherche de compromis entre les partis, appelant à l’unité face aux défis nationaux, tout en soulignant la fragilité de la République, un appel à la préservation des valeurs républicaines dans un climat politique tendu.
Cependant, peu d’annonces concrètes ont été faites, en dehors des mesures budgétaires et sociales déjà évoquées, et l’opposition s’est montrée sceptique sur plusieurs points de son discours.
Voici les grandes lignes de son discours de politique générale :
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Redressement des comptes publics
Barnier a fixé des objectifs ambitieux pour réduire le déficit public. Il a annoncé vouloir ramener le déficit sous 5 % du PIB en 2025 et sous 3 % d’ici 2029. Cela passera par une réduction des dépenses publiques ainsi qu’une « contribution exceptionnelle des Français les plus fortunés » pour soutenir les efforts budgétaires.
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Niveau de vie et mesures sociales
Parmi les annonces, une revalorisation du SMIC de 2 % dès le 1er novembre 2024 a été confirmée, pour répondre à la pression sur le pouvoir d’achat. Cependant, peu d’autres mesures concrètes ont été présentées pour l’instant concernant ce dossier.
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Réforme des services publics
Sans entrer dans les détails, Michel Barnier a évoqué la nécessité de réformer et d’améliorer les services publics, un enjeu clé dans le contexte d’une administration parfois jugée inefficace ou sous pression.
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Sécurité et immigration
La sécurité a été identifiée comme une priorité, avec l’immigration en toile de fond. Michel Barnier a insisté sur le besoin de mieux gérer les flux migratoires tout en garantissant la sécurité des citoyens.
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Réflexion sur le scrutin proportionnel
Le chef du gouvernement s’est dit ouvert à une réflexion sur une éventuelle réforme du scrutin proportionnel, une demande portée depuis longtemps par le Modem et le Rassemblement National, mais il n’a pas donné de précisions concrètes à ce stade.
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Appel à l’unité et à la préservation de la République
Dans un contexte politique tendu, Michel Barnier a insisté sur l’importance de l’unité nationale, appelant tous les partis politiques à travailler ensemble pour rechercher des compromis et relever les défis du pays. Il a conclu en mettant en garde sur la fragilité de la République, soulignant la nécessité de protéger ses institutions et ses valeurs.
Un comité interministériel des Outre-mer début 2025
Le Premier ministre a par ailleurs abordé plusieurs sujets concernant l’Outre-mer. Il a annoncé la tenue d’un comité interministériel des Outre-mer (CIOM) au début de 2025, dont l’objectif sera de valoriser les ressources spécifiques de ces territoires (agricoles, forestières, maritimes et énergétiques) afin qu’elles profitent directement aux habitants. Ce comité réunira les élus locaux et les organisations professionnelles pour approfondir les discussions sur les défis et les opportunités des régions ultramarines.
Il a également mis en avant les Outre-mer comme un « laboratoire d’innovation » dans le domaine des énergies renouvelables. En effet, il a souligné que ces territoires visent un objectif de 100 % d’électricité renouvelable d’ici 2030, avec des projets majeurs dans le solaire et la géothermie. Ce soutien aux énergies vertes reflète l’engagement du gouvernement dans la transition énergétique globale.
En outre, Michel Barnier a mentionné des mesures pour lutter contre la vie chère dans les territoires ultramarins, un enjeu majeur pour les populations locales. Il a insisté sur la nécessité d’une écoute active et d’un dialogue constant pour répondre aux défis économiques et sociaux des Outre-mer
Les réactions locales
Huguette Bello (PLR) : « une austérité confirmée, mais une avancée en Nouvelle-Calédonie »
Le parti PLR (Pour La Réunion) a pris connaissance du discours de politique générale de Michel Barnier, prononcé ce jour devant le Parlement. Sans grande surprise, ce discours s’inscrit dans la continuité des politiques économiques austéritaires que nous avons dénoncées à plusieurs reprises. Le cap est maintenu sur la réduction des dépenses publiques, alors que la majorité des Français attendent des investissements massifs dans les services publics essentiels tels que la santé, l’éducation ou encore la justice. Cette approche, qui sacrifie les besoins immédiats de la population sur l’autel de l’austérité, ne répond pas aux attentes des citoyens.
Cependant, le PLR salue une avancée notable dans ce discours : la décision de ne pas soumettre au Congrès le projet de dégel du corps électoral en Nouvelle- Calédonie. Cette mesure, qui aurait pu raviver des tensions sur ce territoire, représente une opportunité d’apaisement et de dialogue. Nous espérons que cette décision permettra de poursuivre la recherche d’une solution sereine et concertée pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
En revanche, le PLR demeure vigilant quant aux annonces budgétaires concernant les Outre-mer. Il est impératif que les dispositifs économiques actuels, qui soutiennent l’investissement et le développement de nos territoires ultramarins, soient préservés et renforcés. Toute diminution de ce budget, ou remise en question des dispositifs en place, serait inacceptable pour les Réunionnais et pour l’ensemble des habitants des Outre-mer.
Le PLR continuera à exiger plus de clarté sur ces enjeux budgétaires et économiques, et défendra avec fermeté les intérêts des territoires ultramarins ».
Jean-Hugues Ratenon, député : « la solution c’est la destitution de Macron ou la nomination de Lucie Castet comme Première Ministre »
« Comme attendu, il n’y avait rien à attendre du discours du premier ministre, sinon la confirmation de la poursuite de la politique d’austérité d’Emmanuel Macron, ignorant les véritables urgences sociales. Sous couvert de « responsabilité budgétaire » et de réduction de la dette, ce gouvernement prépare un démantèlement des services publics et une nouvelle attaque contre les droits sociaux. Son discours déconnecté de la réalité, avec notamment des baisses considérables des dépenses publiques. Pour rappel, pour cette année 2024 : un total de 42,7Md€ de coupes budgétaires pour l’Etat.
Pour 2025 : Les documents budgétaires élaborés par le gouvernement démissionnaire, communiqués à la commission des finances, annoncent un nouveau tour de vis pour l’instant officiellement de 10Md€ voire 15 milliards d’euros. Ces baisses qui toucheront l’éducation, la santé et la solidarité. Il parle d’efficacité budgétaire, mais en réalité, il sacrifie les services publics, essentiels pour des millions de Français en difficulté. Cette austérité, imposée au nom de la rigueur, aggrave les inégalités en abandonnant les plus précaires. Où sont les mesures pour garantir des conditions de travail dignes, ou lutter contre la pauvreté ? Le gouvernement prévoit une hausse du SMIC de 2%, soit 27,97€ : de qui se moque t-on ? De plus, il préfère cibler les bénéficiaires du RSA plutôt que de proposer des solutions réelles pour le pouvoir d’achat et l’emploi.
Le discours de Barnier sur l’écologie est une supercherie. Derrière des annonces creuses, il maintient un modèle productiviste polluant, dominé par le nucléaire et les industries lourdes. Loin d’une véritable transition écologique, c’est une écologie de marché, inefficace et déconnectée des besoins réels, qui est proposée.
En promettant une contribution symbolique des plus riches, Barnier cherche à masquer l’absence d’une vraie justice fiscale. Les grandes entreprises et les plus riches sont préservés, tandis que les classes populaires continuent de payer la note. Une véritable redistribution claire des richesses, fondée sur la taxation des plus grandes fortunes et multinationales, est absente.
Face à la montée de la précarité, ce gouvernement répond par la répression. Plutôt que de résoudre les problèmes sociaux par l’éducation, l’emploi ou les services publics, il choisit la division et la stigmatisation des quartiers populaires. Oui, Michel BARNIER a fait une déclaration de bonnes intentions pour séduire et espérer avoir une majorité au coup par coup. Il a tenté de parler de ce que les Français veulent entendre. Mais quelles actions concrètes ? Je ne suis pas dupe.
Michel BARNIER parle d’écoute, de respect et de dialogue. Mais aucun de ces éléments n’est respecté. Il est illégitime et ne dispose pas de majorité. Aussi, alors que la tradition républicaine veut que le Premier Ministre se soumette au vote de confiance à l’issue de son discours, Barnier a décidé de se passer de l’avis et de l’approbation des députés.
Où sont donc l’écoute et le respect quand on voit la situation alarmante de la Nouvelle-Calédonie, ou encore la crise économique et sociale de la Martinique ? Où sont donc l’écoute, le respect et le dialogue lorsqu’il prévoit de baisser le budget des Outre-mer de plus de 9%, soit 200 millions d’euros en moins !
La lang la point le zo, qualifierait au mieux cette déclaration de politique général du 1er ministre. Un 1er ministre illégitime et un gouvernement illégitime ne pouvaient pas répondre aux fortes attentes légitimes des ¾ des Français. Même si Macron a fait un hold- up du suffrage universel, seul le Nouveau Front Populaire qui dispose d’un programme approuvé par les électeurs est en capacité d’agir vite pour le peuple.
Nous continuerons à porter une alternative sociale, écologique et solidaire, au service du peuple et non des élites. Et pour cela la motion de censure doit être votée pour mettre fin aux moulins aux paroles et lire un catalogue de sujets qui préoccupent les Français et notamment les Réunionnais. Nous n’avons plus le temps d’attendre : la solution c’est la destitution de Macron ou la nomination de Lucie Castet comme Première Ministre ».
Vincent Defaud, Responsable Outre-mer pour le Conseil National de Génération Ecologie et référent départemental de Génération Ecologie La Réunion
« Dette écologique » : la double erreur de diagnostic du Premier ministre
« Le Premier ministre a placé son discours de politique générale sous une double exigence : “la réduction de notre dette budgétaire et de notre dette écologique”. Si la lucidité affichée par Michel Barnier contraste avec l’occultation de l’état d’urgence écologique par ses prédécesseurs, son propos traduit en réalité une double erreur de diagnostic :
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L’humanité n’affronte pas une « dette » écologique, mais une trajectoire d’effondrement remettant en cause ses conditions même d’existence. Personne ne pourra « rembourser » la disparition de pans entiers du vivant, l’élévation du niveau des mers – qui impacte particulièrement nos territoires en Outre-mer, par exemple à L’Etang du Gol à Saint-Louis – , la fonte des glaciers en montagne, la contamination massive de l’air, des sols et de l’eau par des polluants éternels… Parler de « dette écologique », c’est implicitement nier l’irréversibilité de nombre des destructions en cours et les effets systémiques du dépassement des limites planétaires. L’enjeu n’est pas de rembourser une dette, mais de ralentir, de réduire la consommation d’énergie et de matières premières, et d’organiser l’adaptation profonde à des conditions de vie bouleversées.
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La dette budgétaire et l’urgence écologique ne sont pas deux problèmes distincts. Ils sont liés et interdépendants. C’est le modèle économique actuel, fondé sur la recherche de croissance du PIB par le consumérisme et le productivisme, qui est la cause de la destruction environnementale. Prendre au sérieux la situation budgétaire dégradée de la France exige de la lucidité sur les dégâts d’un régime économique fondé sur un objectif de croissance en butte à des limites physiques, avec pour corollaire le recours à l’endettement massif. Comme en boomerang, l’austérité entraîne l’explosion des inégalités et l’affaiblissement des services publics qui minent la République. Il est temps d’en finir avec la spirale course à la croissance-dette-austérité, mais aussi de reconnaître à quel point le chaos climatique, fait d’inondations, de pertes de récoltes, de sécheresses, d’incendies, plombe les comptes publics.
S’il est salutaire que Michel Barnier annonce que l’État va (enfin !) respecter ses obligations en termes de planification de la lutte contre le réchauffement climatique, les choix concrets annoncés vont à rebours d’une réelle inflexion environnementale. En témoignent l’abandon de la lutte contre l’artificialisation des sols sous la pression du lobby du béton (alors même que les puits de carbone s’effondrent), la réduction des efforts en matière d’économies d’énergie ou encore l’absence de toute mention de la santé environnementale. Génération Écologie exprime son inquiétude face à ce qui s’apparente à une nouvelle étape de démantèlement de politiques publiques en faveur de la sobriété. »