« Une liste d’ouverture avec des surprises », c’est ainsi qu’a été formulée l’invitation-presse pour la conférence de presse que tiendra ce dimanche 27 août à Sainte-Suzanne, Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis, qui rentre tout juste de Madagascar où elle était partie assister à la cérémonie d’ouverture des 11 ème Jeux des îles.
La patronne du PS local présentera en effet sa « liste d’ouverture » qui sera conduite par Audrey Belim, conseillère départementale (Saint-Denis 4/canton 12). Elle avait été numéro 2 de la liste PS/LPA aux sénatoriales de 2017 qui avait obtenu un siège en faveur de Michel Dennemont, qui était maire centriste des Avirons. Lequel Dennemont devait passer le relais en 2020 à Mme Belim mais le passage de flambeau ne s’est jamais fait.
Cette fois ci, la jeune socialiste dionysienne devrait avoir toutes ses chances de siéger au Sénat après le 24 septembre. La liste qu’Ericka Bareigts a pris du temps à constituer se veut « ouverte » avec des communes comme Saint-Benoit, Sainte-Suzanne, le Port, Cilaos et peut-être même des communes du Sud-Ouest, dit-on. Etang-Salé ? Saint-Louis ? On en saura plus ce dimanche. Une liste ouverte aux partis politiques comme le PCR de Maurice Gironcel, « Banian » de Patrice Selly, « Ansamb » d’Olivier Hoarau, les Verts etc…
En tout cas, Ericka Bareigts souhaite profiter de ces sénatoriales pour étendre son leadership au-delà de Saint-Denis. Sa volonté de conquérir la Région en 2028 relève du secret de polichinelle. Il va sans dire qu’entre « les socialistes des villes » qu’elle incarne et les « socialistes des champs » représentés par Patrick Lebreton (Progrès), la bataille des régionales de 2028 ne sera pas de tout repos. Ericka Bareigts souhaite aussi montrer et démontrer qu’au sein de l’actuelle majorité régionale composée de PLR (Pour La Réunion d’Huguette Bello), du Parti socialiste et du Progrès, qu’il ne faudrait pas sous-estimer le poids du PS.
Liste Bareigts : un élu de « Banian » à la 2ème place juste derrière la PS Audrey Belim
Il ne serait pas surprenant de retrouver demain un représentant de « Banian » à la 2ème position juste après Audrey Belim. D’après mes informations, cette deuxième place a été proposée récemment à Wilfrid Bertile, notamment lorsque ce dernier a appris son éjection par Huguette Bello, mais il semble que la liste Bareigts avait déjà été négociée depuis longtemps et qu’il était difficile de la re-démonter.
Malgré tout, même s’il n’occupera pas de place sur ladite liste, il n’est pas dit que Wilfrid Bertile ne se rapprochera pas de la team Bareigts, surtout après le coup de Trafalgar que lui ont fait Emmanuel Séraphin (PLR) et Patrick Lebreton (Progrès) avec la bénédiction de la présidente de Région (voir mon article ci-contre intitulé « Bello et Lebreton ne soutiendront pas Bertile »).
En dépit des assurances qui lui ont été faites depuis les régionales de 2021 par Huguette Bello, Wilfrid Bertile a été laissé à quai au profit d’Evelyne Corbière (conseillère régionale et secrétaire de l’Union des Femmes de la Réunion/UFR) et d’Harry-Claude Morel (président du Progrès). « La bonne vieille pratique stalinienne » (pour reprendre l’expression d’un élu), celle-là même qui avait permis à feu Paul Vergès d’évincer Huguette Bello aux régionales de 2004 en faveur du Dr Catherine Gaud ainsi qu’aux législatives de 2012 où le même Vergès ne voulait plus de Bello dans la 2ème circonscription. Huguette Bello avait donc claqué la porte au nez du leader charismatique du PCR historique pour créer son propre parti, le PLR. Donc, s’il y a bien quelqu’un qui peut comprendre ce que doit ressentir aujourd’hui Wilfrid Bertile après le « coup de patte » qu’il vient de se prendre en étant jeté comme une vieille chaussette, c’est bien la présidente de Région qui, elle même, est passée par là, malgré une fidélité sans faille à son mentor de l’époque.
Raison pour laquelle, un rapprochement Bertile-Bareigts, n’aurait rien d’insolite. Ericka Bareigts, quinquagénaire, joue l’avenir au-delà de ces sénatoriales pour lesquelles elle est déjà sûre de décrocher un poste, avec déjà plus de 200 grands électeurs uniquement au sein de sa majorité municipale à Saint-Denis. Son objectif à elle est de décrocher deux postes au Sénat. C’est aussi l’objectif d’Huguette Bello et celui de Michel Fontaine. Ce qui est sûr, c’est que les trois « grossese écuries (droite de Michel Fontaine ; PLR de Bello et PS de Bareigts) sont quasiment certains de décrocher un poste.
Mais la grande question est de savoir à qui reviendra le quatrième mandat ? Un quatrième poste très convoité par ce que l’on appelle les « petits » candidats tels que Michel Vergoz, président du Mouvement Politique Trait d’Union (MPTU), investi par Renaissance, le parti de la majorité présidentielle, Jean-Jacques Morel, le conseiller régional de l’opposition ou encore Jacques Tillier, le directeur du Journal de l’île dont l’ambition est de défendre « le statut de l’élu », lui qui, en tant qu’éditorialiste, a passé son temps au fil des années dans l’île à dézinguer les… élus. Comprenne qui pourra !
Mais paradoxalement, son discours a pris sur certains « petits » maires à l’instar d’Eric Ferrère (Les Avirons), de Daniel Pausé (Trois-Bassins), d’Olivier Rivière (Saint-Philippe), de Bachil Valy (Entre-Deux) qui sont tous persuadés que Tillier sera le seul capable de les sortir de la mouise en cas de problèmes avec la justice. Quant à Bruno Domen, présenté jusqu’ici comme le directeur de campagne du Pdg du JIR, il semble que le maire de Saint-Leu aurait viré casaque cette semaine. En effet, un soir, bien après la tombée de la nuit, il a convié à la mairie de Saint-Leu ses homologues des Avirons et de Trois-Bassins pour leur expliquer qu’il ne souhaitait plus « suivre » Tillier. La discussion s’est poursuivie autour d’un dîner à l’hôtel « Ilhoa ».
Bruno Domen souhaite lâcher Jacques Tillier. Le cœur du vice-président du Département, faisant partie de la majorité de Cyrille Melchior et vice-président du Territoire de l’Ouest, proche de la majorité d’Emmanuel Séraphin, balance à présent entre Bello et Bareigts. Il ne voudrait plus de Tillier. Lequel Tillier a rencontré cette semaine le maire du Tampon André Thien-Ah-Koon. A noter que ce dernier a rencontré tous les candidats qui l’ont sollicité.
Alors, qui sera en mesure d’obtenir ce quatrième poste ? Un « petit » candidat ou une des trois grosses écuries ? Rappelons que du côté d’Huguette Bello, le duo Corbière/Morel (PLR/Progrès) ne semble fait pas l’unanimité au sein de la majorité régionale. Joé Bédier (UDSA/Union démocratique de Saint-André) et Jean-Hugues Ratenon, député LFI (La France Insoumise) ont écrit à Huguette Bello pour demander « un rééquilibrage des partis ». Jean-Hugues Ratenon, député de la 5ème circonscription et conseiller régional, n’apprécie pas non plus que les discussions concernant les sénatoriales se fassent uniquement entre PLR et Progrès, entre Séraphin et Lebreton.
Quant à Joé Bédier, maire de Saint-André, il estime que le poids des grands électeurs est plus important dans sa commune qu’à Saint-Joseph. Il estime que par rapport à un Patrick Lebreton, qui est 1er vice-président de Région et qui compte déjà une parlementaire en la personne d’Emeline K’Bidy, lui est plutôt considéré comme un z’enfant bâtard (l’expression est de moi). Sa commune de Saint-André ne compte qu’une conseillère régionale (Stéphanie Poïny-Toplan). Il ne serait pas contre une deuxième place pour un grand électeur de Saint-André sur la liste PLR aux sénatoriales. Ratenon ne peut pas en demander autant, sa compagne Amandine Ramaye est déjà vice-présidente de Région. En revanche, Ratenon apprécierait sans doute que Bello arrête de donner trop d’importance à Patrice Selly, le maire de Saint-Benoit et aux élus de ce dernier. Tout le monde sait qu’entre Ratenon et Selly, c’est « je t’aime, moi non plus ».
Du côté de la droite, l’axe Michel Fontaine/Cyrille Melchior/André Thien-Ah-Koon/Nassimah Dindar se structure. Viviane Malet, la sénatrice sortante, est toujours la tête de liste, suivie de Stéphane Fouassin (maire de Salazie) et de Nassimah Dindar. Pour cette troisième place, il a été question à un moment donné d’Adèle Odon, conseillère départementale de Saint-Paul, binôme de Melchior, mais rien n’a encore été arrêté pour l’instant. Nassimah Dindar est toujours la pressentie.
Laquelle de ses trois écuries parviendra-t-elle à placer sa liste en pôle position en décrochant deux postes de sénateur ? C’est tout l’enjeu de ces sénatoriales qui cachent d’autres enjeux que sont les municipales de 2026, les régionales de 2028 et, plus près de nous, l’enjeu du leadership, à gauche, au sein de la majorité régionale. Qui de Bello ou de Bareigts sera en capacité de fédérer le plus grand nombre de grands électeurs ? Autrement dit, qui sera la vraie patronne de la gauche progressiste locale ? Incontestablement, ce sera celle dont la liste réussira l’exploit d’envoyer deux élus.es au palais du Luxembourg. En sachant par ailleurs que la droite « LR »/centriste/pro-Macroniste de Michel Fontaine/Tak/Melchior/Dindar n’a pas encore dit son dernier mot. Bref, si ce scrutin ne parle pas du tout à la population qui n’en a rien à cirer, il est d’une grande importance pour les partis politiques.
Yves Mont-Rouge
(Crédit photo de Une : Com’ Région)