Ce n’est pas vraiment la crise à l’Elysée où le Président de la République invitait hier soir, mercredi 7 septembre, les présidents de Région des Outre-mer ainsi que les parlementaires (mais pas tous) à dîner. Dans l’assiette, en entrée : foie gras de canard des Landes et mirabelles acidulées suivi d’un pavé de bar rôti de Noirmoutier (une île située en Vendée), poivre de cassis, accompagné de raviole de cèpes et girolles. Ensuite, plateau de fromages et, en dessert, un Saint-Honoré. Le tout arrosé d’un Chablis Premier cru 2020 et d’un Haut-Médoc (Château Sociando) 2015. Contrairement à 2017, lorsqu’il avait invité les élus d’Outre-mer à dîner, le chef de l’Etat était tout seul hier soir. Brigitte, son épouse ainsi que Nemo, son Labrador noir, n’étaient pas de la partie cette fois-ci. Ça c’était pour ce qu’il y avait dans l’assiette. Ce n’était pas le plus important.
Au menu de la rencontre et de la discussion entre élus des régions ultramarines, les ministres et le chef de l’Etat : l’Appel de Fort-de-France. Rappelez-vous, en mai dernier, les présidents de Région des Outre-mer s’étaient retrouvés en Martinique dans le cadre de la Conférence des Régions ultrapériphériques. En marge de cette Conférence, ils avaient signé ce que l’on a qualifié d’Appel de Fort-de-France. Un document signé par Huguette BELLO, présidente de la région Réunion, Ary CHALUS, président de la Région Guadeloupe, Serge LETCHIMY, président de la Collectivité territoriale de Martinique, Guy LOSBAR, président du Département Guadeloupe, Louis MUSSINGTON, président de la Collectivité de Saint-Martin, Ben Issa OUSSENI, président du Conseil départemental de Mayotte et Gabriel SERVILLE, président de la Collectivité territoriale de Guyane.
L’Appel de Fort-de-France est donc un document fondateur qui demande un changement profond de la politique outre-mer de l’État. Face aux situations « de mal-développement structurel à l’origine d’inégalités de plus en plus criantes qui minent le pacte social », les président.e.s avaient rappelé « l’urgence d’ouvrir une nouvelle étape historique pour nos territoires d’outre-mer ». Cette déclaration de Fort-de-France est « un appel à une prise de conscience politique au plus haut niveau de l’Etat, en concertation avec nos populations et les forces vives, pour agir sans délai autour de trois axes forts « ,, à savoir :
1. Refonder la relation entre nos territoires et la République par la définition d’un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune de nos régions; 2. Conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance de nos spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décision au plus près de nos territoires; 3. Instaurer une nouvelle politique économique fondée sur nos atouts notamment géostratégiques et écologiques.
C’est dans ce cadre qu’a eu lieu ce dîner à l’Elysée. Dîner qui a débuté avec une quarantaine de minutes de retard car, juste avant, Gérald Darmanin (ministre de l’Intérieur) et Jean-François Carenco (ministre délégué aux Outre-mer) avaient reçu les présidents de Région. Ces derniers, parmi lesquels la présidente Huguette Bello, accompagnés des deux ministres sont ensuite allés à pied jusqu’à l’Elysée pour échanger longuement dans le bureau du Président de la République pendant que les députés ultramarins invités au dîner parmi lesquels les réunionnais Perceval Gaillard, Jean-Hugues Ratenon, Frédéric Maillot, Philippe Naillet… patientaient dans la salle à manger. A noter que le président du groupe interparlementaire, le Polynésien Moetai Brotherson, n’a pas été convié à ce repas. (J’y reviendrai dans mon Ti Kozman de demain)
A la table officielle du Président de la République se trouvaient, entre autres, la présidente de Région Huguette Bello, assise à la droite d’Emmanuel Macron, ainsi que la sénatrice UDI Nassimah Dindar, le sénateur « En Marche » Michel Dennemont, le député européen de LREM Stéphane Bijoux et le préfet Jérôme Filippini. . Reste à savoir maintenant si, après cette rencontre et ce dîner, l’Appel de Fort-de-France aura été entendu par le gouvernement et l’Elysée. L’avenir nous le dira !
Yves Mont-Rouge
Des élus réagissent
Philippe NAILLET, député de La Réunion
« J’ai participé ce mercredi soir à la rencontre organisée entre la présidence de la République française, les parlementaires ultramarins et les représentants des grandes collectivités locales. Lors de mon intervention, j’ai pu rappeler les urgences pour La Réunion : la lutte contre la vie chère et la nécessité d’un projet de développement durable adapté à La Réunion.
Toute initiative en faveur de l’échange et de la participation des élus est à saluer. En effet, je défends une méthode basée sur la coconstruction des politiques publiques avec et pour les Réunionnais.
Pour accomplir un vrai projet qui prenne en compte les réalités de notre territoire, il faut renforcer notre pouvoir de différenciation et d’adaptation des lois à La Réunion. Nous avons, de part notre isolement, des défis spécifiques de sécurité alimentaire et énergétique à relever.
Des outils existent déjà, comme la loi Égalité Réelle Outre-Mer (EROM) qui est une loi fondatrice pour réduire fortement et rapidement les écarts de développement et de niveaux de vie.
Je demande donc un bilan de la loi EROM, un agenda et une feuille de route partagée pour des résultats rapides et concrets en faveur du pouvoir d’achat et une amélioration de nos indicateurs sociaux et économiques d’ici 2030. »
Jean Hugues RATENON, Frédéric MAILLOT et Perveval GAILLARD, députés de La Réunion
Le Président de la République a invité les élus ultramarins à un diner hier soir, mercredi, au palais de l’Elysée. Dans un premier temps nous avons exprimé notre mécontentement devant ce format et nous avons ainsi réussi à transformer ce simple diner en un diner de travail.
Nous avons également exprimé nos regrets sur le fait que le Président de la Délégation aux
Outre-Mer, Mr Moetai BROTHERSON, n’ait pas été invité. Cela apparait comme un affront et
une volonté de diviser les élus d’Outre-Mer.
Ceci étant dit, nous avons bien fait d’accepter d’y participer malgré ces éléments. Au-delà de l’opération de communication élyséenne nous, élus de la Nation, avons saisi l’opportunité d’observer, d’analyser et de mieux comprendre les intentions, les décisions du Président Macron et de son gouvernement.
Il n’y a pas eu d’annonces concrètes pour répondre au problème du chômage et de l’emploi ;
pour autant le Président s’est prononcé pour le plein emploi en Outre-Mer. Il est par
conséquent de notre devoir d’exiger un calendrier et les modalités précises pour atteindre
cet objectif.
Il s’est aussi engagé pour un Oudinot du pouvoir d’achat. Il nous a annoncé que la Première Ministre, Madame Elisabeth Borne, réunira dans les prochains mois une conférence
interministérielle afin d’aborder la question de la vie chère en Outre-Mer.
C’est pourquoi, nous invitons tous nos collègues élus et toutes les forces vives à faire
remonter des propositions au gouvernement et d’exiger qu’elles soient prises en compte et
débattues. De demander, par ailleurs, une accélération du calendrier car la cherté de la vie est l’urgence absolue à traiter pour nos territoires.
Le Président de la République a également clairement dit que nous sommes arrivés au bout
d’un cycle et qu’il faut aborder les problèmes sans tabous. Nous partageons ce constat. Nous le disons d’ailleurs depuis plusieurs années. Alors abordons tous les problèmes sans tabou, mettons tout à plat et changeons tout si nous voulons vraiment apporter des réponses structurelles aux problèmes rencontrés par les Outre-mer.
Sur une éventuelle réforme constitutionnelle, le Chef de l’Etat s’est déclaré ouvert et prêt à faire bouger les normes et à les adapter aux territoires. C’est ce que nous disons depuis plusieurs années. Alors Monsieur le Président : pour quand et comment ?
Sur le plan de l’écologie, le Président de la République et la Première Ministre se sont
prononcés pour une transition écologique, une autosuffisance alimentaire, etc… beaucoup
de belles paroles mais concrètement rien n’a été annoncé.
Face à cela, préparons-nous à mettre la pression afin de rappeler ce qui a été dit en cette occasion. L’action du gouvernement dépendra de notre capacité à nous mobiliser et à nous unir sur ces sujets ; car nous avons été élus pour défendre les intérêts du peuple. Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! »