Législatives 2024 : malgré la victoire du Nouveau Front Populaire, la France ingouvernable est à la recherche d’un nouveau 1er ministre

Avec 143 sièges, le Rassemblement National réussit la percée la plus importante de son histoire au terme de ces législatives anticipées de 2024 mais le parti de Jordan Bardella et de Marine Le Pen se retrouve, en dépit de son score historique, relégué à la troisième place derrière le Nouveau Front Populaire (182 sièges) et Ensemble Pour La République (168). « LR » sans Ciotti a obtenu 46 sièges contre 14 pour les Divers-Droite; 13 pour les Divers-Gauche; 6 pour le Centre; 4 pour les Régionalistes et 1 en Divers.

Le « front républicain » s’est révélé être une stratégie payante pour barrer la route du pouvoir au Rassemblement National mais malgré ce sursaut républicain, la France demeure politiquement ingouvernable car aucun des blocs en présence ou aucun parti ne dispose de la majorité absolue.

Jean-Luc Mélenchon, patron de La France Insoumise, a déclaré : « Emmanuel Macron a le droit, le devoir d’appeler le Nouveau Front Populaire à gouverner »

Gabriel Attal, l’actuel Premier ministre, a remis sa démission, ce lundi matin 8 juillet, au Président de la République Emmanuel Macron qui lui a demandé de « rester encore un moment pour assurer la stabilité du pays ». Autrement dit pour expédier les affaires courantes et préparer les JO qui vont débuter le 26 juillet prochain.

Le chef de l’Etat devra tenir compte des résultats de ces législatives et de cette situation politique sans précédent en nommant soit un Premier ministre issu du NFP victorieux de ce scrutin – mais encore faudrait-il que les partis de gauche puissent s’entendre sur un nom ! – soit un Premier ministre issu d’une majorité qui pourrait être composée de plusieurs partis, sans les extrêmes (gauche et droite), si tant est que ces partis (PS, PCF, Ecologistes, Renaissance, LR, Modem, Horizons, divers droites et divers centres…) acceptent de former une majorité de gouvernance. Ce qui est loin d’être gagné !

Le Premier ministre Gabriel Attal remettra sa démission ce lundi matin au Président de la République Emmanuel Macron.

Jetons d’abord un coup d’œil sur les résultats à la Réunion. Incontestablement, le Nouveau Front Populaire a gagné. Arithmétiquement, il n’y a pas photo. Huguette Bello peut être fière de sa stratégie à laquelle elle a crû dès le premier tour de ce scrutin. Sur 7 circonscriptions, les six députés sortants de la NUPES de 2022 ont été réélus au deuxième de ces législatives anticipées de 2024 avec, cette fois -ci, l’étiquette du Nouveau Front Populaire (NFP).

Rappelons que la gauche locale était divisée au premier tour car la Plateforme réunionnaise d’Ericka Bareigts et de ses partenaires avait présenté leurs propres candidats dans la 5ème circonscription (Anne Chane-Kaye-Bone-Tavel) et dans la 6ème (Alexandre Laï-Kane-Chéong) face à des candidats NFP (Jean-Hugues Ratenon et Frédéric Maillot). Chane-Kaye-Bone-Tavel et Laï-Kane-Chéong ont été éliminés dès le premier tour. Ce n’est qu’au deuxième tour que la gauche s’est présentée unie derrière les députés sortants ; Lesquels ont été réélus en battant les représentants du RN, à l’exception toutefois de la 3ème circonscription.

En effet, le NFP porté par Huguette Bello, qui visait le grand chelem, n’a pu atteindre son objectif car le 7ème député de la Réunion est un élu du Rassemblement National. Il s’agit de Joseph Rivière, élu dans la 3ème circonscription. Donc 6 pour la gauche du NFP contre 1 au RN (Rassemblement National). En 2022, c’était 6 pour la gauche (NUPES) contre 1 pour la divers-droite Nathalie Bassire.

Mais pour autant, en dépit de la victoire arithmétique de cette « gauche plurielle » (PLR, PS, PCR, EELV…), il n’y a pas lieu de monter sur la table et de se taper sur la poitrine. L’humilité s’impose quand on voit la progression du Rassemblement National à la Réunion. Une percée qui reste un fait historique et qu’il faudra prendre en considération pour les échéances à venir. Une montée de l’extrême droite qui, faut-il le rappeler, exprime un sentiment de colère de la part d’une grande partie de la population qui souffre et qui ne trouve plus réponses à leurs préoccupations quotidiennes à travers les partis politiques dits classiques ou traditionnels.

Une partie de la population qui souhaite un changement radical, qui ne veut plus de la gauche, ni de la droite et du centre. Raison pour laquelle, les électeurs, dans leur grande majorité, n’avaient pas hésité à porter le Rassemblement National de Jordan Bardella et de Marine Le Pen en tête du scrutin des Européennes le 9 juin ainsi qu’au premier tour des législatives, le 30 juin dernier, tant à la Réunion qu’en France hexagonale. Sans le Front républicain stratégiquement érigé par la gauche, la droite et la Macronie, l’extrême droite aurait pu faire mal.

Toujours à la Réunion, dans la 1ère circonscription, sans surprise, Philippe Naillet (64,72%) a gagné face au RN Jean-Jacques Morel (35,28%). Le candidat socialiste du Nouveau Front Populaire avait largement terminé en tête au soir du 1er tour; Il a bénéficié de la mobilisation de ce second tour ainsi que du report des voix des autres candidats éliminés le 30 juin dernier ; Lesquels n’avaient pas donné de consigne de vote ni n’avaient appelé à faire barrage au RN.

Dans la 2ème circonscription, Karine Lebon (67,46%), sans aucune surprise également, n’a fait qu’une bouchée de son adversaire du Rassemblement National, Christelle Bègue (32,54%) dont le discours a fait peur à nombre d’électeurs.

Dans la 3ème circonscription, Joseph Rivière est le seul à avoir pu porter le RN à la victoire. Il a surtout bénéficié du report de voix des autres candidats qui ne voulaient pas de la gauche, à commencer par la municipalité, même si celle-ci n’était pas directement impliquée dans cette bataille des législatives. Même Nathalie Bassire, qui avait pourtant été élue, en 2022 grâce au soutien de la gauche en général et à celui d’Alexis Chaussalet en particulier, n’a pas renvoyé l’ascenseur au candidat du NFP.

Dans la 4ème circonscription, Emeline K’Bidi (60,59%) la petite protégée de Patrick Lebreton a fait un carton, pliant ainsi son adversaire du RN en deux, tout en se payant le luxe de scorer de façon grandiose à Saint-Pierre, commune de droite. Jonathan Rivière (39,41) n’a pas fait le poids face à la candidate Progrès du Nouveau Front Populaire.

Dans la 5ème circonscription, le député sortant Jean-Hugues Ratenon a été réélu avec 53,75% des suffrages. Il savait que « ça n’allait pas être facile » d’autant que le RN Joan Doro (46,25%) avait tout le soutien de la Plaine-des-Palmistes où le maire Johnny Payet est également le patron local du Rassemblement National. Malgré la percée spectaculaire du RN et le score important réalisé par le représentant du Rassemblement National, Jean-Hugues Ratenon parvient à passer le premier la ligne d’arrivée avec le soutien de Joé Bédier à Saint-André, de Jeannick Atchapa à Bras-Panon, de Sidoleine Papaya à Salazie, de Patrice Selly à Saint-Benoit. Ratenon est en tête également à Sainte-Rose dans la commune du Macroniste Michel Vergoz et il ne s’en tire pas trop mal non plus à Saint-Philippe.

Dans la 6ème circonscription, Frédéric Maillot (58,33%) a été le plus fort face la candidate du Rassemblement National Valérie Legros (41,77%). Pour ce second tour, il a bénéficié du soutien de Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne. Lequel avait soutenu Alexandre Laï-Kane-Chéong lors du 1er tour. L’union de la gauche a fonctionné au profit du candidat du Nouveau Front Populaire beaucoup plus crédible aux yeux de l’opinion que son adversaire Valérie Legros dont le discours, à l’instar de ses collègues de la 2ème circonscription et de la 4ème, a sonné creux.

Dans la 7ème circonscription, Perceval Gaillard (57,33%) a démontré qu’il était le meilleur. Le 3ème du premier tour, à savoir Thierry Robert n’avait pas donné de consigne de vote. Ni le 4ème, Cyrille Hamilcaro. D’aucuns pensaient que les voix de Robert et d’Hamilcaro allaient profiter au RN Jean-Luc Poudroux (42,67%). Que nenni ! Perceval s’est montré le plus « Gaillard » dans cette bataille où le député sortant de La France Insoumise prend de plus en plus ses marques, y compris dans la commune de Saint-Leu.

Un paysage politique complètement explosé avec une grosse incertitude sur l’avenir

Avant le deuxième tour, les sondages donnaient entre 175 et 205 sièges au Rassemblement National ; Entre 145 et 175 au Nouveau Front Populaire ; Entre 118 et 148 à Ensemble pour la République ; Entre 57 à 67 à LR et Divers-droite et entre 6 à 8 au Divers centre/UDI.

Au soir de ce deuxième tour, renversement total des tendances : le Nouveau Front Populaire est en tête avec une fourchette allant de 187à 1928 sièges ; Ensemble pour la République est deuxième avec un nombre de sièges compris entre 161-169 et le Rassemblement National termine troisième avec 135 à 143 sièges ; LR/DVD obtient entre 57 et 67 sièges.

Jordan Bardella a dénoncé « l’alliance du déshonneur » en faisant référence au « front républicain » monté contre le RN par la Macronie et les autres partis et notamment le NFP

Que s’est-il passé ? La stratégie du « front républicain » mise en place par la Macronie avec la gauche et la droite classique a fonctionné. En effet, les désistements ont permis de faire barrage au Rassemblement National. Dans nombre de circonscriptions qui avaient laissé place à des triangulaires, on a vu des candidats de soit de gauche, soit de droite ou soit de la Macronie afin de bloquer le RN. Le Rassemblement National, largement vainqueur au premier tour, n’a pu surmonter le front républicain érigé face à lui ce dimanche 7 juillet. Il faut dire aussi que de par leur mauvaise prestation lors des débats télévisés, leur manque de connaissances, nombre de candidat du RN ont démontré qu’ils n’étaient pas à la hauteur de la fonction et donc pas du tout prêts à gouverner. Sans compter que les violences enregistrées durant l’entre-deux tours et certains dérapages n’ont pas plaidé en la faveur du parti de Bardella et de Le Pen qui, manifestement, fait toujours un peu peur car perçu comme « dangereux ».

La gauche unie du NFP représente certes aujourd’hui une grande force politique au sein de l’Assemblée nationale, mais il va vite se poser, en interne, la question du leadership à gauche, dans la perspective de la présidentielle de 2027. On n’est pas sorti de l’auberge !

Y.M.

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