Promis avant l’été mais reporté plus d’une fois, le Comité interministériel des Outre-mer s’est finalement réuni ce mardi 18 juillet à Matignon afin de présenter des mesures concrètes visant à améliorer la vie quotidienne des habitants des territoires ultramarins. Sous la présidence de la Première ministre Élisabeth Borne, cette réunion avait pour objectif de mettre en place des ajustements administratifs et des réformes législatives adaptées aux spécificités de chaque département d’outre-mer.
Au cours de ce CIOM, une vingtaine de ministres ont dévoilé environ 70 mesures réparties autour de quatre axes majeurs. Tout d’abord, il s’agit d’encourager la création de valeur dans les territoires ultramarins, favorisant ainsi le développement économique local. Ensuite, l’objectif est d’améliorer le quotidien des Ultramarins en répondant à leurs besoins spécifiques, que ce soit en matière de logement, de santé, de transport ou d’accès aux services publics.
La lutte contre le réchauffement climatique est également une préoccupation essentielle, avec des mesures visant à promouvoir la transition énergétique et à préserver l’environnement dans les territoires ultramarins.
Enfin, une attention particulière est portée à la jeunesse, avec des mesures destinées à favoriser l’éducation, l’emploi et l’épanouissement des jeunes Ultramarins.
Parmi les annonces, l’une des mesures phares concerne la refonte de l’octroi de mer. Cette réforme vise ainsi à atténuer les écarts de prix entre l’Outre-mer et l’Hexagone, tout en préservant les ressources des collectivités ultramarines. Les ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire seront chargés de mener une concertation approfondie pour aboutir à une refonte de cette taxe d’ici au projet de loi de finances de 2025, applicable en 2027.
D’autres mesures sont également prévues pour répondre aux besoins spécifiques de chaque département d’outre-mer. Il s’agit notamment d’améliorer la continuité territoriale en facilitant les déplacements des Ultramarins vers la métropole, d’accroître les aides en matière de logement, de renforcer les dispositifs d’accompagnement des jeunes et de prendre des mesures visant à garantir un accès à l’eau potable dans tous les territoires ultramarins.
Cliquez sur le lien ci-dessous pour découvrir les mesures annoncées par le gouvernement, parmi lesquelles une réforme à venir de l’octroi mer :
Le projet de loi Mayotte relancé
Concernant Mayotte, des mesures spécifiques sont également prévues pour répondre aux défis auxquels le département est confronté. L’État compte notamment accélérer la construction d’une usine de dessalement de l’eau, en accordant un soutien renforcé pour atteindre cet objectif d’ici à 2024.
De plus, une révision des normes d’autorisations d’urbanisme est envisagée afin de faciliter la construction de logements plus rapidement. Le projet de loi Mayotte sera également relancé, avec la participation active des acteurs locaux, pour adapter le cadre législatif aux spécificités de l’île, notamment en ce qui concerne le logement et les régimes de retraite et d’aides sociales.
Juste avant la tenue du CIOM, Frédéric Maillot député Nupes de la Réunion a adressé un communiqué de presse aux rédactions. Cliquez sur le lien ci-dessous pour en découvrir le contenu :
Prise de parole de Bruno Le Maire, à l’issue du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) :
Un point d’abord sur la refonte de l’octroi de mer qui est évidemment un sujet essentiel pour les territoires d’Outre-mer. L’octroi de mer contribue à la vie chère en Outre-mer et je pense que plus personne ne conteste aujourd’hui ce diagnostic. Il comporte plusieurs milliers d’articles soumis à des taux qui sont très variables et dont beaucoup n’obéissent plus à aucune logique. Quand vous avez un taux de 20 % sur le riz qui est importé en Martinique, alors même que l’île ne produit pas ou que très peu de riz, cela n’a absolument aucun sens. Cela ne fait que contribuer à la vie chère pour le quotidien de nos compatriotes d’Outre-mer. Nous sommes donc totalement déterminés, avec le président de la République et la Première ministre, à engager une refonte en profondeur de l’octroi de mer, avec un objectif principal : lutter contre la vie chère pour nos compatriotes.
Cette réforme va prendre du temps parce qu’il faut examiner chacun des taux. Elle demande également que nous garantissions à toutes les collectivités d’Outre-mer leur bon financement. Je rappelle que l’octroi de mer contribue au financement à la fois des régions et des communes pour un montant total de 1,4 milliard d’euros. Il faut garantir à l’euro près le bon financement des collectivités locales. Cette refonte en profondeur de l’octroi de mer se fera donc dans les mois qui viennent, en concertation étroite avec l’ensemble des élus, avec l’ objectif d’introduire cette réforme lors du projet de loi de finances de 2025, qui sera donc étudié et adopté fin 2024, avec pour objectif final une réforme définitive totalement adoptée et mise en œuvre au plus tard en 2027. Donc, première étape au budget 2025 adopte fin 2024 et une réforme définitive qui doit être totalement appliquée en 2027.
Le deuxième objectif, dans les domaines de compétences qui sont les miens, c’est de revoir les dispositifs de défiscalisation des investissements productifs. Je vais être très clair sur l’objectif de cette réforme, pour éviter tout malentendu, ce n’est pas une réforme de rendement budgétaire, c’est une réforme d’efficacité de la dépense publique. Il ne s’agit pas de tailler dans la dépense, nous le faisons ailleurs avec de bons motifs avec la Première ministre, mais là, ce n’est pas l’objectif. L’objectif, c’est tout simplement de garantir que quand il y a défiscalisation, cela va bien à nos compatriotes, profite à l’investissement économique dans les territoires et qu’il n’y a pas de pertes en ligne.
Or, il nous semble qu’il y a beaucoup de pertes en ligne dans cette défiscalisation outre-mer. Nous voulons que l’argent investi à travers la défiscalisation aille bien à l’investissement productif et à chacune et à chacun de nos compatriotes. Je fixe également un deuxième objectif à cette revue des dispositifs de défiscalisation,
c’est le verdissement. Vous savez que nous avons pris la décision avec la Première ministre de basculer d’une fiscalité brune à une fiscalité verte. Cela vaut pour tous les dispositifs. Les dispositifs de défiscalisation outre-mer doivent servir aussi le verdissement de l’économie.
Troisième élément, pour lutter contre les situations de monopole que nous connaissons dans ces territoires, nous renforcerons les moyens de contrôle de la direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en créant 10 postes supplémentaires spécifiquement dédiés à l’outre-mer
(soit +10%).
Enfin, après en avoir discuté longuement, notamment avec le président Serge Letchimy, nous avons donné notre accord au retour de la France au capital de la Banque de développement des Caraïbes. Je crois que c’est un pas symbolique important qui était attendu par ces territoires et que nous avons décidé avec la Première ministre il y a quelques jours. Je vous remercie.
Le CIOM : des mesures insuffisantes selon Philippe NAILLET, Député de la 1ère circonscription de La Réunion
Lors du Comité Interministériel Outre-mer de ce mardi 18 juillet 2023, la Première ministre a présenté 72 mesures pour concrétiser le Livre bleu Outre-mer.
Si je salue la reprise de plusieurs propositions que j’ai pu défendre comme le renforcement des moyens pour le contrôle de la concurrence, l’adaptation des normes et la facilitation des échanges dans le bassin régional pour diminuer les coûts des matériaux de construction, l’accompagnement du POSEI, l’adaptation des critères de performance énergétique des logements aux milieux tropicaux, la mise en cohérence des Centre des Intérêts Matériels et Moraux (CIMM) entre les différents ministères et l’assouplissement de la loi littoral entre autres, il faut maintenant que ces annonces soient concrétisées dans les prochains textes législatifs et financées dès le prochain Projet de Loi de Finances.
Ce premier CIOM depuis 2019 manque de propositions concrètes et significatives pour accompagner notre territoire suite aux différentes crises. De nombreuses attentes restent largement insatisfaites et rien de fort n’est proposé pour stopper la fracture sociale et réduire les inégalités — En 2020, 20 % des ménages les plus aisés percevaient des revenus 5 fois plus élevés que les 20 % des ménages les plus modestes, selon l’INSEE. — Aucune mesure n’a été annoncée pour venir en soutien au système de santé réunionnais mis en difficulté financière par les engagements non-tenus de l’État concernant la revalorisation du coefficient géographique du CHU Réunion de 31 à 35% et des compensations des dépenses liées au Ségur de la Santé.
En matière de logement, des mesures concrètes étaient attendues pour endiguer la crise qui touche 3 Réunionnais sur 10. Une révision des zonages ABC et 123 des territoires était notamment nécessaire. Aucune réponse immédiate à la cherté de la vie alors que se nourrir à La Réunion coûte 37% plus cher qu’en moyenne dans l’Hexagone. Le gouvernement devra donc accompagner et soutenir les préconisations du rapport de la Commission d’enquête sur la vie chère dans les Outre-mer. Le même constat est à faire concernant le renforcement nécessaire des moyens pour les services publics, notamment pour notre système éducatif en termes de ressources humaines. Si le CIOM prévoit d’ici un an d’établir une stratégie d’adaptation au dérèglement climatique pour chaque territoire, il faudra être vigilant sur les moyens qui seront mis en œuvre.
En conclusion : malgré des mesures qu’on ne peut totalement rejeter, force est de constater qu’après trois reports, le rendez-vous de ce matin reste mitigé. Le « renouveau de l’Outre-mer » n’est pas pour maintenant.
Des orientations globalement partagées mais qui méritent d’être précisées, selon la Région Réunion
Le Comité interministériel dédié aux outremer ( CIOM) s’est réuni ce jour sous la présidence de la Première ministre. La réactivation de cette instance qui n’avait plus été réunie depuis 2009 fait suite à l’appel de Fort de France signé le 16 mai 2022 par les présidents des collectivités territoriales ultramarines, qui appelait à un renouveau des relations entre l’État et les Outre-mer.
La tenue de ce premier CIOM de l’actuel Gouvernement qui se réunira désormais annuellement constitue donc, sur le principe, un élément positif. Mais la question posée est de savoir si les premières orientations et mesures annoncées sont à la hauteur de la gravité de la situation dans les territoires ultramarins, et des attentes des populations ?
Force est de constater que les annonces faites constituent des réponses ponctuelles à des problématiques identifiées dans tel ou tel secteur mais qu’elles ne pourront produire leurs effets que dans le cadre d’une approche globale et cohérente du développement durable de chaque territoire d’outre-mer.
La Région Réunion prend acte que les priorités telles que le coût de la vie, le logement, la santé, le transport, les déchets, la fiscalité, le développement économique, la pêche, la transition écologique, les énergies renouvelables, la coopération régionale, l’adaptation des normes, font l’objet de premières orientations. Celles-ci mériteront d’être concertées avant d’être déclinées en mesures concrètes, et véritablement adaptées à notre territoire et aux enjeux du développement.
A titre d’exemple, la Région sera particulièrement vigilante sur la réforme annoncée de l’octroi de mer. Nonobstant la question importante des ressources des collectivités, celle-ci doit aussi être envisagée, sous l’angle de la préservation d’une prérogative locale essentielle en matière d’orientation du développement économique, notamment en faveur du secteur productif. En matière de santé, la question du coefficient géographique n’est pas traitée. Sur le plan de l’énergie, la gouvernance régionale doit se faire sous l’égide de la Région, et non du représentant de l’État, dans l’esprit de l’approfondissement de la décentralisation.
En matière de lutte contre la vie chère, il est possible d’aller plus loin aussi bien pour le pouvoir d’achat des ménages que dans la lutte contre les positions dominantes.
Certaines de ces mesures ont vocation à être traduites dans le prochain contrat de convergence et de transformation (contrat de plan). L’augmentation globale annoncée des crédits devra être précisée pour chacun des territoires. L’importance des infrastructures, notamment matière de transports, devra être prise en compte. La Région Réunion s’inscrit dans le cadre de cette concertation pour préciser et apprécier la pertinence des mesures annoncées, garantir leur efficience réelle et leur cohérence avec les objectifs proclamés.