A Sainte-Marie, Les Lagourgue père et fils (avec les élus démissionnaires) veulent « décaser » le maire Richard Nirlo de la mairie ; A Saint-Benoit, Patrice Selly et ses soldats souhaitent « décaser » le député Jean-Hugues Ratenon de la 5ème circonscription et, surtout, de Saint-Benoit. Je vous explique tout ça dans un instant.
Mais tout de suite, parlons de la vraie opération « Wuambushu » qui a débuté à Mayotte depuis lundi dernier. « Wuambushu » par çi, « Wuambushu » par là. On n’entend plus et on ne voit plus que ce mot depuis une semaine à la radio, à la télé, dans les journaux, sur les réseaux sociaux. « Wuambushu » qui voudrait dire « reprise » et qui, dans les faits, veut surtout dire « décasage ».
« Décaser » les migrants Comoriens entrés clandestinement et installés depuis des décennies, pour certains d’entre eux, sur le territoire mahorais. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, n’a rien trouvé de mieux que de lancer l’opération « Wuambushu » pour raser les bidonvilles abritant ces migrants Comoriens et renvoyer ces derniers chez eux aux Comores. Pour se faire, il a dépêché sur place 1 800 policiers et gendarmes pour « nettoyer » Mayotte de l’immigration clandestine. Depuis le déclenchement de cette opération, c’est la guerre entre les pro et les anti Wuambushu, à Mayotte pour commencer, aux Comores, dans l’hexagone et à la Réunion. D’un point de vue purement humain, forcément les associations comme la Ligue des Droits de l’Homme et nombre d’élus s’élèvent contre cette opération commandée depuis Paris qui consiste à « foutre dehors » des êtres humains, hommes, femmes et enfants sans papiers.
Les partis politiques anti-gouvernementaux, la gauche de façon générale, fustigent cette « opération marquée du sceau de la haine ». Gilbert Annette, l’ancien maire socialiste de Saint-Denis, qui fut à un moment donné marié à une jeune Comorienne, a repris son bâton de pèlerin, comme j’ai pu le voir sur Tik Tok pour inviter les Mahorais et les Comoriens à se « révolter ». Carrément ! « Descendez dans la rue, battez-vous, allez voir le préfet car nous sommes tous des descendants d’immigrés ; Il faut rendre au préfet qui est le représentant du gouvernement (de l’Etat, mon cher Gilbert !) la monnaie de la pièce à Darmanin ». Devant un parterre de Mahorais et de Comoriens réunis à Saint-Denis, à l’ombre d’un pied d’bois, Gilbert Annette a vigoureusement appelé à « organiser le combat dans la rue » contre « ce véritable crime » commis par le gouvernement «contre les Comoriens, les Malgaches et tous les autres immigrés qui sont à Mayotte ».
L’ancien patron du PS local, voit dans cette opération « Wuambushu » « un clin d’œil de Darmanin à Marine Le Pen, une volonté de faire plaisir à l’extrême droite pour flatter l’électorat extrémiste de Mayotte ». Et Gilbert Annette d’expliquer que si les Comoriens ont été contraints de fuir les Comores, c’est dû « à l’échec de la colonisation française ». Il rajoute une couche en disant : « quand la France a colonisé le pays, c’était pas pour le développer mais pour ses richesses, pour l’exploiter avant de repartir en laissant la misère derrière elle ».
Il s’avère qu’après cette prise de paroles, nombre de Mahorais descendront dans la rue à la Réunion mais non pas pour « aller rendre au préfet la monnaie de la pièce à Darmanin » mais plutôt pour demander au représentant de l’Etat de se faireauprès du gouvernement le porte-parole du soutien de la communauté mahoraise à l’opération « Wuambushu ». Le rassemblement devant la préfecture de Saint-Denis est prévu ce samedi matin, 29 avril.
Il s’agit là d’une initiative du Collectif Ré-MaA (Résistance Réunion/Mayotte en Action) qui, avec d’autres Collectifs à Mayotte (Femmes Leaders, Collectif des citoyens de Mayotte loi 1901, Collectif des citoyens de Mayotte mouvement 2018 Comité de défense des intérêts de Mayotte ), encourage plus que jamais Gérald Darmanin à persévérer dans son action de lutte contre l’immigration clandestine via « Wuambushu ». La porte-parole du Collectif Ré-MaA à la Réunion est Amina Djoumoi.
Le ministre de l’Intérieur se dit déterminé à poursuivre cette action mais à Mayotte, le Tribunal Judiciaire de Mamoudzou, a ordonné, mercredi dernier, au préfet Thierry Suquet, de cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitations. Il y a donc comme un os. Ça risque de coincer. Sans compter que le 1er mai prochain, jour de la Fête du Travail, avec les manifs anti-gouvernement qui se préparent en métropole, le premier des flics français sera peut-être obligé de rapatrier une partie de ses troupes dans l’hexagone où ça risque de chauffer. A suivre !
La loi sur l’immigration repoussée en automne faute de majorité gouvernementale
On peut comprendre la colère des Mahorais face à la violence inexorable dont les jeunes Comoriens livrés à eux-mêmes seraient à l’origine à Mayotte, mais cette opération brutale de « karchérisation » n’était sans doute pas la meilleure des solutions pour tenter de lutter contre une immigration clandestine qui ne date pas d’hier. Il fallait prendre le problème par le bon bout, c’est-à-dire par le commencement, à savoir tout mettre en œuvre (plus de contrôle) afin d’empêcher l’entrée des migrants sur le territoire. Par ailleurs, il fallait négocier avec les dirigeants comoriens avant de lancer cette opération. L’on comprend qu’ils ne puissent tolérer l’accostage des bateaux des migrants clandestins Comoriens aux Comores.
Il faut savoir également que, Mayotte bien que devenu département français depuis 2011 (le 101e département) suite à un référendum, a toujours été considéré comme une « terre comorienne » par les pouvoirs comoriens. Enfin, plutôt que de chasser ces Comoriens de Mayotte comme des malpropres, le gouvernement français aurait pu raser les bidonvilles, créer des logements sociaux décents et mettre en place une politique de développement créatrice d’activités et d’emplois, tout en luttant parallèlement et sérieusement contre l’arrivée de nouveaux migrants clandestins à Mayotte.
Autrement dit, composer avec celles et ceux qui sont là depuis des années, qui ont décidé de fonder une famille sur le territoire mahorais, à l’instar de tous les immigrés qui, fuyant la misère et la famine, ont débarqué (et débarquent encore) en France et en Europe en provenance des pays d’Afrique ou d’ailleurs.
Comme l’a si bien dit une dame ce jeudi matin sur Radio Free Dom : « au lieu de mettre les moyens pour envoyer 1800 policiers et gendarmes à Mayotte, pourquoi le gouvernement ne prend-il pas cet argent pour construire des cases en faveur des Comoriens qui sont à Mayotte ? ».
Cette opération « Wuambushu » déclenchée par le ministre de l’Intérieur qui veut lutter contre l’immigration clandestine vient quand même en contradiction avec « la feuille de route des 100 jours » dévoilée ce mercredi 26 avril par Elisabeth Borne, la cheffe du gouvernement. L’objectif de cette feuille de route demandée par Emmanuel Macron, on l’a bien compris, étant de tourner la page de la réforme des retraites que la Première ministre n’a plus du tout évoquée lors de son intervention depuis l’Elysée.
Il a été question, dans cette feuille de route, de l’écologie avec un projet de loi « industrie verte » présenté à la mi-mai, de la santé (avec le recrutement d’ici à fin 2024 de 6 000 assistants médicaux, de la création de 2000 places supplémentaires dans les écoles d’infirmières, les IFSI), de l’éducation (avec l’augmentation allant de 150 à 500 € des salaires mensuels des enseignants et des remplacements des professeurs absents).
En revanche, concernant cette grande loi sur l’immigration qu’Emmanuel Manuel a toujours appelé de ses vœux, Elisabeth Borne l’a remise à plus tard, vraisemblablement à l’automne prochain à condition qu’elle trouve d’ici là une majorité. Ce qui n’est pas le cas actuellement puisque « LR » ne suivra pas le gouvernement sur cette loi, l’estimant trop molle (la loi, pas la Première ministre !).
La cheffe du gouvernement a par ailleurs déclaré : «ça n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays ». Un peu comme l’opération « Wuambushu » pour lutter contre l’immigration clandestine divise le pays ?
Elisabeth Borne ne désespère pas d’ici à l’automne prochain de trouver une majorité au Parlement. Si elle est encore là, après le 14 juillet, date que s’est fixé le Président de la République pour dresser un bilan des « mesures d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France » que constitue cette feuille de route des 100 jours. Elisabeth Borne sera-t-elle encore cheffe du gouvernement après le 14 juillet ? Grande question !
« Les charlatans et les extrêmes »
Après Mayotte, les Comores et l’hexagone, parlons de la Réunion, de « Banian », le parti politique de Patrice Selly, créé en 2020, après les municipales. « Banian » tenait son meeting dimanche dernier au Domaine de Bellerive à Sainte-Anne devant près de 300 sympathisants. Une belle réunion durant laquelle Patrice Selly a exposé sa vision pour le département comme il l’avait déjà fait en novembre 2021 lors du congrès de son parti, au même endroit. J’y reviendrai en détails ultérieurement. Promis, car les idées sont loin d’être inintéressantes, à condition toutefois qu’elles puissent se concrétiser un jour. Mais ça, c’est une autre paire de manches !
Ce que j’ai retenu aussi de ce meeting, c’est le lancement dès maintenant de la campagne des municipales de 2026 par le clan Selly. « Cap sur 2026 avec Selly », a insisté Ridwane Issa, le 1er adjoint au maire de Saint-Benoit qui, dans l’euphorie du moment, a même qualifié ce dernier de « Messi de la politique ». Je pense que Macron et Bareigts seraient assez d’accord avec Issa. Selly est en effet un bon dribleur.
« Avant dans la commune il y avait une équipe fantôme…Saint-Benoit a changé depuis 2020. Il faudrait être maloki pour ne pas voir ce changement », a ajouté le 1er adjoint manifestement très en forme dimanche dernier. Il s’est ensuite attaqué au député de la 5ème circonscription, Jean-Hugues Ratenon, qui est également conseiller régional de la majorité présidée par Huguette Bello. « Le député n’a pas tenu ses promesses électorales : est-ce que le SMIC est aujourd’hui à 1 500 € ? Est-ce qu’il y a eu une réforme des retraites en faveur des plus faibles ? Est-ce que le pouvoir d’achat a augmenté ? ». Et Ridwane Issa d’apporter lui même la réponse à ces questions : « Non ! Il passe son temps à voyager en 1ère classe. En tant que conseiller régional de la région Est, il plaide en faveur de toutes les communes sauf celle de Saint-Benoit ».
Juste avant lui, un autre élu municipal de la majorité, Augustin Cazal, également conseiller départemental de la majorité de Cyrille Melchior, avait pris le micro pour encenser Selly et dézinguer Ratenon : « le député de la 5ème circonscription lé mort, li existe pu, li n’a rien fait. Nada ! ». Applaudissements nourris dans la salle.
« Mort » je ne pense pas. Moi j’ai vu Ratenon tout récemment bien en forme (s) comme vous pourriez le constater sur la photo prise ce mercredi 26 avril dans la cour du temple tamoul de Petit-Bazar à Saint-André où il accompagnait la députée (LFI/ La France Insoumise comme lui) de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain, qui séjourne actuellement dans notre île.
Patrice Selly n’a pas non plus été avare d’ironie envers le député. « Contrairement à d’autres qui s’agitent, critiquent avec une telle facilité et une telle aisance, dans l’ombre ou ouvertement, nous avons fait clairement le choix, avec mon équipe municipale, d’être sur tous les fronts et sans complexe. Nous avons clairement fait le choix de l’action. Oui, nous agissons au quotidien. C’est un honneur et c’est une immense responsabilité. Oui, il, est toujours facile de critiquer les mesures nationales et locales sans rien proposer de concret derrière. Oui, il est toujours facile d’être dans la contestation systématique. A titre personnel, j’ai toujours refusé de rentrer dans ce populisme car c’est bien du quotidien des gens qu’il s’agit et qui est en jeu ».
Patrice Selly précise aussitôt : « quand nous ne sommes pas entendus, quand nous ne sommes pas assez convaincants, un grand nombre de nos concitoyens perdent foi en nous et se tournent vers les charlatans et les extrêmes ». Il ne vise évidemment personne, suivez son regard !
Patrice Selly ne démissionnera pas de la présidence de la Cirest en juillet prochain
On retiendra que le meeting de « Banian » en ce mois d’avril avait pour but de rappeler les grands objectifs du parti pour la Réunion, d’annoncer que Patrice Selly sera candidat à sa succession à la mairie de Saint-Benoit en 2026 (déjà !), que Ridwane Issa retentera sûrement l’aventure des législatives en 2027 et que « Banian » sera sans doute présent aux régionales de 2028. A la tête d’une liste ? En tout cas, pas question de laisser une quelconque porte d’entrée à Ratenon à Saint-Benoit, lequel avait déjà laissé entendre qu’il sera candidat aux municipales de 2026 dans ladite commune.
D’où cette opération « Wuambushu » déclenchée par Selly, dimanche dernier au meeting de « Banian », pour dégommer dès maintenant le député Ratenon avec l’aide de ses soldats Issa et Cazal. Je rajouterai de mon côté que le président de « Banian », maire de Saint-Benoit et également président de la Cirest ne démissionnera pas de la présidence de l’intercommunalité en juillet prochain. Je suis prêt à prendre le pari. Certes, il y a un protocole qui a été signé en juillet 2020, juste après les municipales, à Bras-Panon pour une présidence partagée avec Saint-André à raison de 3 années pour chacune des deux communes, mais un protocole n’est pas une loi. En clair, en politique, une lettre ne fait pas loi. Rien, hormis le respect de la parole donnée, n’oblige Patrice Selly à démissionner de la présidence de la Cirest au terme de ses trois années de mandat. Raison pour laquelle, je le redis, le maire de Saint-Benoit ne quittera pas son poste de président de la Cirest en juillet prochain.
Pas question de laisser cette intercommunalité dans les mains de Joé Bédier, maire de Saint-André et camarade du député Ratenon ; Lequel Ratenon vise le mandat de maire de Saint-Benoit. Si Bédier prend la Cirest, cela voudrait dire que Ratenon pourra bénéficier et des moyens de la Région (quoi que Huguette Bello et son cabinet apprécient beaucoup Patrice Boulevart et Anne Chane-Kaye-Bone les conseillers régionaux de Saint-Benoit proches de Selly) et ceux de la Cirest pour sa campagne électorale. Donc, Selly a déjà pensé à tout ça. Comme dit le proverbe créole, « li va pas nourrir le ver pou pique à li » !
Pour revenir sur Bello et Selly, une entente qui ne fait pas forcément plaisir à Ratenon, la présidente de Région travaille avec tout le monde, y compris avec celles et ceux qui, à un moment donné, directement ou indirectement, s’étaient mis sur son chemin ou sur celui de ses lieutenants. Comme Mathieu Hoareau, l’actuel maire de l’Etang-Salé qui avait soutenu Audrey Fontaine « LR » aux législatives de 2022 dans la 2ème circonscription contre la « PLR » Karine Lebon. Il y a un temps pour les élections et un temps pour se mettre au travail.
Sainte-Marie : dis tonton, pourquoi tu tousses…
J’en arrive maintenant à Sainte-Marie. Rien de nouveau sous le soleil ! Après la vague de démissions (14) survenue vendredi dernier, Richard Nirlo en conteste deux pour l’instant et essaye par tous les moyens d’en dissuader quelques autres à revenir sur leur décision. Mais Rémy Lagourgue fait tout pour tenir le groupe, non pas de 14 mais de 12 car deux (A.R et N.L) auraient déjà basculé dans le camp de Nirlo.
Il ne reste plus qu’au préfet qu’à authentifier les lettres de démission et à prendre une décision : soit il considère que le conseil municipal a encore assez d’élus pour délibérer, soit il constate que le conseil n’est plus, numériquement parlant, en mesure de se réunir (le quorum étant de 21 élus) pour pouvoir délibérer sereinement. Le préfet Jérôme Filippini a déjà fait savoir que les services de la préfecture procédaient actuellement au contrôle de toutes ces démissions. Sa réponse devrait tomber dans les jours ou semaines qui viennent. Les Lagourgue, père et fils, espèrent que leur opération « Wuambushu » lancée contre Nirlo va fonctionner et qu’ils pourront vite le « décaser » de Sainte-Marie.
Concernant Sainte-Marie encore, je vous disais la semaine dernière que la nièce du maire, directrice des Ressources humaines à la mairie (en arrêt maladie jusqu’au 30 avril), comptait déposer plainte auprès des gendarmes contre moi (et contre freedom) pour « diffamation » et qu’elle devait demander la protection fonctionnelle à son tonton-patron afin de payer ses frais judiciaires en cas de procès. C’est fait !
Sa plainte a été déposée chez les gendarmes de Sainte-Marie le 12 avril dernier à 11h40. « En vérité, a-t-elle dit aux gendarmes, je souhaitais pouvoir bénéficier d’une protection fonctionnelle, mon employeur m’a dit alors que pour en bénéficier, je devais déposer plainte ». Elle a donc déposé plainte le 12 avril et a adressé à son tonton-maire sa lettre de demande de protection fonctionnelle le… 11 avril. Il n’y a pas encore d’enquête ouverte par le parquet concernant sa plainte. Ce n’est pas la première fois que Mme la DRH fait une demande de protection fonctionnelle au maire de Sainte-Marie pour se défendre devant la justice face à des médias locaux. En dépit d’une recommandation faite par des avocats de métropole auxquels la mairie avait fait appel à l’époque, son tonton avait validé sa première demande de protection fonctionnelle. Mais, pas besoin d’être grand clerc pour deviner que le tonton ne doit pas trop avoir la tête à la défense de sa nièce en ces temps de « Wuambushu » lancée contre lui par les Lagourgue et consorts. Dis tonton, pourquoi tu tousses…
Avant de finir, je voudrais souhaiter un joyeux anniversaire qui fête ses 40 ans. A l’époque Huguette Bello avait 32 ans et elle faisait déjà partie de l’assemblée régionale pour avoir été élue sur la liste menée par Paul Vergès. 40 ans plus tard, elle préside cette collectivité.
Y.M.